DGa8 – Les ouvrages de protection collective contre les risques naturels 

Mise à jour : février 2022

Simon CARLADOUS, Office National des Forêts, service RTM 31
Hélène CHITRY, DGPR – PoNSOH

Sommaire :   

 

Préambule

Quand on parle de protection contre les risques naturels, on évoque les parades structurelles ou ouvrages de protection d’enjeux (bâtiments, routes, etc.) contre les phénomènes naturels (inondations, crues torrentielles, chutes de blocs, glissements de terrain, avalanches, etc.), à la différence des mesures non structurelles comme la prise en compte des risques dans l’aménagement (Plan de prévention des risques naturels – PPRn, etc.). La protection n’est ainsi qu’un élément d’une politique plus globale de prévention à mener sur le territoire concerné et intégrant la notion de risque acceptable.

On distingue la protection individuelle qui correspond à des dispositions architecturales et/ou constructives au niveau d’un bâtiment et la protection collective pour laquelle les dispositifs sont en général déportés par rapport aux enjeux à protéger (bâtiments, route, etc.). On distingue également la protection permanente de la protection temporaire qui nécessite l’observation des conditions météorologiques et une prise de décision humaine (dispositifs de détecteur d’avalanches ou de laves torrentielle pour procédures d’alerte et d’évacuation, déclenchement préventif des avalanches, etc.). On restreint souvent le terme d’ouvrage de protection aux seules parades structurelles, collectives et permanentes auxquelles cette fiche se limite.

Un dispositif de protection, composé de plusieurs ouvrages, a pour objectif de réduire le risque en agissant directement sur le phénomène, et donc l’aléa naturel. On distingue les dispositifs de protection active et passive : les premiers agissent directement à la source des aléas pour limiter la probabilité de déclenchement (par exemple claies, râteliers et filets paravalanches qui stabilisent le manteau neigeux en tête de couloir) ; les seconds limitent les conséquences de l’aléa une fois déclenché : un système d’endiguement canalise les écoulements pour limiter les débordements liquide (inondations) vers les enjeux.

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ONF-RTM (2017). Typologie des mesures de protection contre les risques naturels en montagne. Note technique. Téléchargeable ici en PDF.

 

Les types d’ouvrages de protection dépendent du type de phénomènes naturels sur lesquels ils agissent. Cette fiche se concentre sur les phénomènes de type inondations (de plaine, crues torrentielles, etc.), avalanches, chutes de blocs et glissements de terrain, pour lesquels la protection est un pilier fondamental de la prévention. Elle n’aborde pas les phénomènes pour lesquels ce sont d’autres mesures (surveillance, premières interventions, mise en sécurité) qui sont principalement mises en œuvre : tempêtes, séisme, etc. Elle n’aborde pas non plus la protection contre les feux de forêt et les phénomènes de submersion marine pour lesquels nous renvoyons aux fiches spécifiques correspondantes, ni les actions de lutte contre les phénomènes de migration dunaire (ou ensablement) pour lesquels le génie biologique est privilégié (ganivelles, plantations, couvertures de branchages).

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Fiche RN4 : Risques littoraux

 

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Fiche RN8 : Incendies de forêt

 

Le but de cette fiche n’est pas d’aborder les outils d’aide à la décision permettant à un groupement de collectivités en charge d’un bassin de risque étendu (comme par exemple en matière d’inondation) ou à un maire face à un évènement ponctuel de se prononcer ni sur une stratégie de protection à adopter (passif ou actif ou les deux) ni sur l’opportunité de réaliser ou de conforter un dispositif de protection permanente.

Par ailleurs, cette fiche ne prétend pas non plus aborder tous les aspects de la problématique relative aux dispositifs de protection, en particulier diverses questions pour lesquelles les réponses doivent être différenciées selon la nature des phénomènes, les caractéristiques des ouvrages et les particularités des territoires concernés : prise en compte ou non des ouvrages de protection dans le zonage, constructibilité à l’aval de ceux-ci, définition des priorités d’intervention, sources possibles de financement, impacts socio-économiques, etc. Elle se limite à une présentation des grandes lignes du contexte technico-administratif dans lequel interviennent les responsables locaux pour réaliser puis entretenir les dispositifs de protection collective.

On pourra retenir qu’un dispositif de protection sera d’autant plus sûr que 1) il relèvera d’un propriétaire (ou d’un maître d’ouvrage) unique, identifié, conscient de ses responsabilités et disposant des moyens (humains et financiers) nécessaires, 2) il sera géré par un gestionnaire compétent et aux missions parfaitement définies, 3) il aura été conçu, réalisé et contrôlé selon les règles de l’art et 4) il fera l’objet d’une surveillance et d’un entretien réguliers.

En outre, l’autorité en charge de la police générale doit être en mesure d’intervenir en cas de dépassement de capacité (si le zonage n’y a pas pourvu) ou de défaillance, ce qui suppose une bonne concertation et coordination avec les gestionnaires et autres acteurs (dont le service en charge de la protection civile et, s’il a été instauré, du service en charge du contrôle de la sécurité des ouvrages).

1 – Quelles responsabilités ?

Il s’agit d’un domaine complexe qui, dans un certain nombre de cas, peut justifier une expertise juridique préalable.

L’identification du propriétaire et, le cas échéant, du gestionnaire d’un ouvrage de protection ainsi que la répartition des missions entre ceux-ci par le biais de conventions constituent des facteurs favorables, sinon indispensables, à une bonne prise en compte des préoccupations de sécurité.

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Fiche DGa10 : La compétence GEMAPI « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations »

 

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C2ROP (2021). Prise en compte des risques rocheux par les Maîtres d’Ouvrage gestionnaires d’infrastructures : Recommandations. Guide de recommandations issu du projet national C2ROP

 

1.1  Les rôles respectifs du propriétaire, du maire et de l’État

D’une façon générale, le propriétaire d’un ouvrage en est responsable : il doit notamment en assurer la surveillance régulière et l’entretien soit directement soit par l’intermédiaire d’un gestionnaire. En cas de dommage à des tiers, la responsabilité du propriétaire et/ou du gestionnaire peut se trouver engagée, du fait d’un dysfonctionnement, voire d’un déficit de sécurité. Ils se trouveront alors directement impliqués, en tant que responsable(s) de l’ouvrage, mais aussi, le cas échéant, avec les divers participants à la conception et à la réalisation de l’ouvrage (article 1244 du Code civil : « Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction »).

Par ailleurs, le maire, du fait de ses pouvoirs de police générale (articles L.2212-2.5° et L.2212-4 du Code général des collectivités territoriales), peut se trouver également concerné, en particulier s’il n’a pas pris les mesures nécessaires en cas de danger grave ou imminent (travaux, secours, évacuation).

Dans le domaine des ouvrages hydrauliques de protection contre les inondations, la compétence Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) relève des EPCI à fiscalité propre (communément appelées « collectivités gémapiennes »). Elles ont alors en charge la gestion des systèmes d’endiguement ou aménagements hydrauliques qu’elles ont la responsabilité de définir (resp. articles R. 562-13 et R. 562-18 du Code de l’environnement). L’article R. 562-8-1 du Code l’environnement précise les conditions d’exonération de responsabilité de ces collectivités en tant que gestionnaire d’un ouvrage de protection contre les inondations « dès lors qu’il a été conçu, exploité et entretenu dans les règles de l’art et conformément aux obligations légales et réglementaires ». Le rôle de l’Etat est de s’assurer du respect de ces obligations, notamment celles relatives à la sécurité des ouvrages hydrauliques fixées dans le Code de l’Environnement.

 

1.2  La problématique des ouvrages orphelins

Un certain nombre d’ouvrages n’ont pas de propriétaires clairement identifiés et parfois aussi pas de gestionnaires. C’est le cas d’ouvrages souvent anciens réalisés sur diverses propriétés contiguës par les habitants eux-mêmes pour se protéger, voire par une commune avec l’accord plus ou moins tacite alors des propriétaires.

Il convient donc de susciter la mise en place, si nécessaire, d’un gestionnaire unique au niveau d’un ensemble cohérent de protection et de régulariser progressivement la situation foncière tant des emprises que du corps des ouvrages (qui peuvent parfois relever de propriétaires distincts !) par acquisition ou par mise en place de servitudes administratives ou, à défaut, conventionnelles.

C’est dans cet objectif que des démarches d’inventaire ont été engagées. D’abord par l’Etat, pour les digues classées, qui a intégré les données dans le Système d’information des ouvrages hydrauliques (SIOUH), mais ce avant les évolutions réglementaires par le décret digue n°2015-526 du 12 mai 2015. Depuis, dans le cadre du transfert de la GEMAPI, les systèmes d’endiguement et aménagements hydrauliques relèvent de la responsabilité des EPCI à fiscalité propre qui réalisent leurs propres inventaires et suivis.

Dans le domaine des ouvrages de protection contre les risques en montagne, le service ONF-RTM assure l’inventaire et la gestion des ouvrages de l’Etat en forêts domaniales RTM dans une base de données spécifique (BD-RTM). Enfin, le développement des Stratégies Territoriales de Prévention contre les Risques en Montagne (STePRiM) vise à clarifier la propriété des ouvrages de protection contre les risques naturels en montagne (avalanches, mouvements de terrain, crues torrentielles) sur un territoire donné.

 

1.3  Quid pour les fonctions de protection assurées par le milieu naturel (et notamment par la forêt) ?

Une fonction de protection générale des sols et de régularisation du régime des eaux est reconnue à un couvert végétal en bon état et notamment au couvert forestier. On peut y ajouter des fonctions de protection spécifique contre certains phénomènes naturels en montagne (ravinement, crues torrentielles, chutes de pierres et de blocs, avalanches) et en bord de mer (végétation dunaire limitant le transport de sable par le vent, dunes faisant obstacle à la submersion marine et réalimentant les plages après l’érosion marine).

Une gestion multifonctionnelle de l’espace doit permettre d’intégrer les préoccupations de protection spécifique. Au même titre que celui des ouvrages de génie civil, l’entretien (et le renouvellement à terme) des peuplements à fonction de protection contre les risques naturels est nécessaire.

Comme pour tout dispositif de protection, une bonne prise en compte de la fonction de protection contre les risques naturels nécessite de pouvoir apprécier les niveaux de contrôle (actuel et futur, avec ou sans intervention) des aléas, non seulement constatés mais encore potentiels, par les peuplements forestiers et autres formes de couverture végétale. A l’échelle d’un bassin de risque, la cartographie des aléas est un préalable nécessaire en s’appuyant sur des documents existants, des expertises spécifiques (photo-interprétation, modélisations simples) et des vérifications sur le terrain. La comparaison de cette cartographie avec celle des enjeux et de leur vulnérabilité permet de délimiter des zones homogènes de risque. Parmi celles-ci, et en tenant compte de divers critères, certaines pourront être qualifiées de prioritaires concernant les interventions à mener tant sur le plan sylvicole que sur celui du partenariat à développer entre forestiers, collectivités et bénéficiaires.

Si les conséquences du changement climatique sont très incertaines pour analyser les aléas, elles se font particulièrement ressentir sur l’état des peuplements actuels et à venir. Devant ce constat, les réflexions sur l’adaptation des pratiques de gestion sylvicole sont largement engagées, toujours en tenant compte de cette fonction spécifique de protection contre les risques naturels. Il en est de même pour la gestion des dunes littorales.

La question de la prise en charge des financements nécessaires au renouvellement des peuplements de protection contre les risques naturels est fréquemment posée, notamment en région de montagnes où les conditions d’exploitation sont très coûteuses par rapport à la valeur des bois extraits. Aussi, le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), en charge des forêts, finance spécifiquement des actions de confortement de la fonction de protection des peuplements (CFPP) en forêts domaniales de Restauration des terrains en montagne (RTM).

 

1.4  Jusqu’à quel niveau protéger ?

Un ouvrage de protection, qu’il relève du génie civil ou du génie biologique, ne peut assurer une protection efficace que jusqu’à un certain niveau d’intensité. Pour certains phénomènes et certains ouvrages, et si les précautions nécessaires ne sont pas prises, il se peut même que l’ouvrage puisse accroître le risque si le phénomène dépasse ce niveau (par exemple, rupture d’une digue de protection contre les inondations en rivières de plaine).

Dans une société où la recherche de responsabilité devient systématique, il est compréhensible que les responsables de dispositifs de protection s’interrogent sur les mises en cause pouvant les concerner. Même si la question se pose pour tous les ouvrages de protection, le législateur n’y a cependant apporté une réponse qu’en matière d’inondation (article L.562-8-1 du Code de l’environnement).

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Fiche DGa10 : La compétence GEMAPI « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations »

 

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2 – Choix d’une protection et contexte réglementaire associé

2.1  Éléments pour le choix d’une protection

Le choix dans la mise en œuvre d’une éventuelle protection peut s’opérer selon des stratégies généralement complémentaires fondées sur :

  • la durée, avec recours à une protection permanente ou/et à une protection temporaire ;
  • la zone d’intervention, avec recours à une défense passive ou/et à une défense active.

Dans tous les cas, le maître d’ouvrage ne pourra éluder la question du niveau de protection assuré par le dispositif de protection permanente qu’il envisage de créer ou de renforcer. Il devra ainsi évaluer vis-à-vis des dommages aux biens et de la sécurité des personnes :

  • l’objectif de protection, qui pourra être différent de celui correspondant à l’aléa de référence pris en compte dans le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) ou dans le plan local d’urbanisme (PLU) ;
  • la stratégie de protection retenue pour atteindre cet objectif grâce à un ou plusieurs dispositifs de protection, ayant chacun une fonction locale (par exemple, stabiliser le manteau neigeux) et une capacité physique à atteindre (par exemple, sur une hauteur de 3 m d’épaisseur de neige sur cette zone de départ donnée) selon la zone d’intervention qui correspond au scénario de projet à considérer pour le dimensionnement ;
  • le risque résiduel par dépassement de la capacité du dispositif (ou de l’ouvrage) suite à la survenance d’un scénario plus important que le scénario de projet ou à une succession rapprochée d’évènements inférieurs ou équivalents au scénario de projet ainsi que, dans de telles circonstances, la possibilité ou non de survenance d’un sur-aléa (intensité supérieure à l’intensité qui aurait été constatée sans existence du dispositif) ;
  • le cas échéant, le niveau ultime de protection apporté par le dispositif (ou l’ouvrage), celui-ci étant au moins égal à l’objectif de protection ; la marge entre les deux niveaux a pour objet de limiter, au moins pendant un certain temps, l’importance du risque résiduel à l’aval en évitant le sur-aléa et de permettre la mise en œuvre des mesures d’anticipation préalablement prévues par exemple dans le plan communal de sauvegarde (PCS) (évacuation, etc.) ;
  • la marge d’incertitude entourant ces diverses évaluations, qui peut être parfois très significative si on en examine les principales composantes, notamment celles concernant la détermination d’une période de retour ou d’une probabilité d’occurrence, la caractérisation physique d’un évènement, l’interaction phénomène-obstacle, la modélisation (tant au niveau du modèle lui-même que dans sa mise en œuvre, avec une plus ou moins bonne prise en compte des paramètres de terrain) ;
  • la robustesse globale des dispositions prévues (dispositif de protection de défense permanente et, le cas échéant, mesures complémentaires de défense temporaire), la faisabilité effective de mise en œuvre en période critique et le maintien de leur efficacité dans le temps.

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ONF-RTM (2019). Efficacité des dispositifs de protection contre les risques naturels en montagne – Glossaire. Note technique pour le MTES. Téléchargeable ici en PDF.

Aussi, c’est à la robustesse globale du système de protection, dont les modalités de gestion du risque résiduel font partie, que les décideurs (maîtres d’ouvrage, autres gestionnaires du risque) doivent prêter attention. Au vu des incertitudes, la détermination précise de la probabilité de dépassement du niveau de protection assuré par les dispositifs prévus est secondaire. C’est également sur cette politique globale que devra porter ultérieurement l’information préventive de la population.

Le choix que doit effectuer le maître d’ouvrage va dépendre à la fois de la nature du phénomène redouté, des caractéristiques du site et de ses enjeux, des contraintes techniques, environnementales, réglementaires, juridiques, financières. Il ne pourra s’effectuer qu’après toute une série d’études et de concertations qui peuvent être accompagnées par des approches d’aide à la décision telles que des analyses coûts bénéfices ou des analyses dites multicritères. La mise en œuvre du dispositif sera en outre généralement conditionnée à la délivrance d’une autorisation administrative.

Enfin, une remise en cause du choix initial ne peut jamais être écartée suite, par exemple, à l’amélioration des connaissances sur le phénomène, à une évolution non prévue de celui-ci du fait d’évènements exceptionnels ou du changement climatique, à l’apparition de nouvelles techniques, à la modification du niveau de sécurité exigé par la réglementation, etc. Cela nécessitera alors un réexamen complet de l’ensemble des dispositions en place.

 

2.2  Dispositions réglementaires spécifiques aux ouvrages hydrauliques de prévention des inondations

La réalisation d’une étude de dangers au titre de la réglementation relative à la sécurité et la sûreté des ouvrages hydrauliques concerne les systèmes d’endiguement et les aménagements hydrauliques (resp. articles R. 562-13 et R. 562-18 du Code de l’environnement). Cette réglementation ne concerne pas les ouvrages de protection active de correction torrentielle (article R.562-12 du Code de l’environnement).

Cette réglementation relative à la sécurité des ouvrages hydrauliques a été introduite par le décret n°2007-1735 du 11 décembre 2007 qui a profondément transformé les pratiques antérieures fondées sur divers régimes juridiques pourvus ou non de textes spécifiques. Les règles fixées dans ce domaine ont ensuite été adaptées et modifiées par le décret n°2015-526 du 12 mai 2015, ce dernier fixant par ailleurs le cadre de transfert des digues vers les EPCI à fiscalité propre compétents en matière de GEMAPI. Enfin, c’est le décret n°2019-895 du 28 août 2019 qui est venu porter la dernière adaptation à ces règles, notamment en ce qui concerne les aménagements hydrauliques.

Ainsi, les dispositions communes relatives à la sécurité et à la sûreté des ouvrages hydrauliques de prévention des inondations, figurent aujourd’hui au code de l’environnement. Elles portent sur le classement des ouvrages (articles R.214-113 114), l’étude de dangers (articles R.214-115 à 117), les règles relatives à la conception des ouvrages, à l’exécution des travaux et à la premier mise en eau (articles R.214-119 à 121), les règles relatives à l’exploitation et à la surveillance des ouvrages (articles R.214-122 à 126), les dispositions diverses relatives à la prescription de mise en sécurité, de diagnostic et de surveillance par le préfet (articles R.214-127 et 128), les organismes agréés (articles R.214-129 à 132) et le Comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques (CTPBOH) (articles R.213-21 et 22).

Pour les systèmes d’endiguement, cette répartition en plusieurs classes se fait selon le seul critère de la population protégée. Pour les aménagements hydrauliques, dont les barrages classés peuvent faire partie, le classement est établi par leur définition même car seuls les ouvrages permettant de stocker des écoulements pour au moins 50 000 m3 en font partie. 

  • Systèmes d’endiguement : comprennent une ou plusieurs digues et tout ouvrage nécessaire à leur efficacité et leur bon fonctionnement comme des ouvrages, autres que des barrages qui, eu égard à leur localisation et à leurs caractéristiques, complètent la prévention. Dans le domaine de la protection contre les crues torrentielles en montagne, ces ouvrages peuvent être des plages de dépôt situées en amont de digues ainsi que les ouvrages de stabilisation du fond du lit placés au niveau des digues qui permettent d’éviter l’affouillement de leur pied.

La grille ci-dessous présente le classement des systèmes d’endiguement selon 3 niveaux (article R. 214-113 du Code de l’environnement), sachant que la classe d’une digue est définie par la classe du système d’endiguement auquel elle appartient :

Classe Population protégée par le système d’endiguement
A Population > 30 000 personnes
B 3 000 personnes < Population < 30 000 personnes
C Population ≤ 3 000 personnes si le système d’endiguement comporte essentiellement une ou plusieurs digues établies antérieurement à la date de publication du décret n° 2015-526 du 12 mai 2015

OU

30 personnes ≤ Population ≤ 3 000 personnes

L’article R.214-119-1 du code de l’environnement établit que le niveau de protection que doit assurer le système d’endiguement ou l’aménagement hydraulique est justifié par l’étude de dangers qui fournit comme niveau de protection une probabilité d’occurrence annuelle associée à un ou plusieurs critères physiques de capacité, retenus parmi les suivants selon qu’il s’agisse d’un système d’endiguement ou d’un aménagement hydraulique et selon le type de phénomène :

  • système d’endiguement :
    • risque d’inondation : hauteur ou débit d’eau en crue
    • risque de submersion marine : hauteur de niveau marin
    • risque de crues torrentielles : critères précisés parmi des paramètres observables pertinents
  • aménagement hydraulique : capacité de stockage des écoulements

Que ce soit pour un système d’endiguement ou un aménagement hydraulique, et dans la logique de la démarche précédente (cf § 2.1), l’étude de dangers établit le niveau de protection, précise la zone avec les enjeux que ces ouvrages permettent de protéger, établit un examen exhaustif de l’état des ouvrages pour diagnostic approfondi, justifie que les ouvrages sont adaptés à la protection annoncée, que leur entretien et leur surveillance est assurée pour ce niveau de protection, et indique les risques résiduels.

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Site internet du MTES

 

 

2.3  Dispositions réglementaires relatives à la prise en compte de la fonction de protection du couvert végétal et notamment forestier

En sus de diverses réglementations à caractère général prenant en compte cet objectif de protection et figurant notamment au code rural et de la pêche maritime et au code forestier, on peut citer des dispositions plus spécifiques telles la délimitation de « zones d’érosion » avec définition de programmes d’action, les servitudes liées aux forêts de protection ou à la RTM, les prescriptions éventuelles des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN).

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Fiche DGa7 : Outils réglementaires contribuant à la maîtrise du ruissellement pluvial et de l’érosion

 

 

2.4 Dispositions normatives

Cette partie s’adresse plus directement aux maîtres d’œuvre en charge de la définition des spécifications techniques que doivent respecter les ouvrages à réaliser mais il paraît important que les maîtres d’ouvrages publics, responsables de la commande publique, soient informés a minima des règles générales qui leur sont imposées, ou pas, dans le domaine.

Selon l’article L1111-2 du code de la commande publique, un ouvrage est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique : cela concerne donc évidemment les ouvrages de protection contre les risques naturels.

Selon les articles R2111-8 et 9 du code de la commande publique, le maître d’ouvrage public formule des spécifications techniques pour passer la commande d’un ouvrage soit 1) par référence à des normes ou à d’autres documents équivalents (pas de caractère obligatoire), soit 2) en définissant des performances à atteindre ou des exigences fonctionnelles, soit 3) en combinant les deux. Dans le cas des points 1) et 3), les textes de référence sont choisis dans l’ordre de préférence suivant :

  • les normes nationales transposant des normes européennes (Eurocodes par exemple) ;
  • les agréments techniques européens ;
  • les spécifications techniques communes ;
  • les normes internationales ;
  • les autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation ou, lorsque ceux-ci n’existent pas, les normes nationales, les agréments techniques nationaux, ou les spécifications techniques nationales en matière de conception, de calcul et de réalisation des ouvrages et de mise en œuvre des produits.

En matière de normalisation dans le domaine de la construction, on distingue les ouvrages et les produits qui y sont incorporés pour le construire. Ainsi, l’appel aux textes précédents se fait pour les différents produits qui composent l’ouvrage. Les ouvrages de protection active contre les avalanches et passive contre les chutes de blocs se distinguent des autres ouvrages par les normes françaises NF P 95-303 (claie, râtelier paravalanches), NF P 95-304 (filets paravalanches) et NF P 95-308 (écrans pareblocs). En prescrivant les spécifications minimales de dimensionnement structural à respecter par les équipements complets, hors dispositifs de fondation (ancrages), elles couvrent la quasi-totalité de l’ouvrage.

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ONF-RTM (2019). Les normes d’équipement de protection contre les avalanches : NF P 95-303, NF P 95-304 et NF P 95-305 – aide à la lecture. Note technique RTM. Téléchargeable ici en PDF.

Selon l’article R2112-2 du Code de la commande publique, les Cahiers des Clauses Techniques Générales (CCTG) fixent les stipulations de nature technique applicables à toutes les prestations d’une même nature. L’arrêté du 28 mai 2018, approuvé par le ministre de l’économie et des finances et le ministre de la transition écologique et solidaire, fixe la composition du CCTG applicables aux marchés publics de travaux de génie civil. Il se présente comme une collection de fascicules qui constituent les documents généraux auxquels les clauses du marché de commande d’un ouvrage de protection peuvent faire référence de manière explicite, sans que cela ne soit obligatoire. Si la référence est explicite, il est possible de déroger à certaines clauses du CCTG auquel le marché fait référence. Dans ce cas, le Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP) doit indiquer les articles des CCTG auxquels il déroge (article R2112-3 de la commande publique).

 

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3 – Cadre technico-administratif pour la réalisation d’un ouvrage ou d’un dispositif de protection collective

La politique globale et très volontariste du Second Empire (fin 1852) en matière d’aménagement du territoire a donné à l’Etat un rôle prédominant pour la mise en œuvre de certaines actions de protection, comme par exemple avec la loi du 28 mai 1858 relative à l’exécution des travaux destinés à mettre les villes à l’abri des inondations ou les lois du 28 juillet 1860 sur le reboisement des montagnes puis du 6 juin 1864 sur le regazonnement des montagnes.

Ce n’est que plus récemment que les collectivités territoriales prirent véritablement une place active, non plus seulement en participant au financement mais directement en tant que maître d’ouvrage, par le biais généralement de groupements de collectivités ou de syndicats mixtes.

A partir des années 2000, le constat des difficultés rencontrées dans la gestion et l’entretien de nombreuses protections (digues notamment) mettait principalement en cause l’absence d’un gestionnaire clairement identifié localement. Ce constat impose que tout nouvel ouvrage doit être réalisé dans un cadre juridique rigoureux, en particulier pour ce qui concerne le choix d’un maitre d’ouvrage capable d’assumer effectivement ses responsabilités dans la maintenance d’un ouvrage, bien au-delà de la mise à disposition du foncier et de la seule construction.

C’est alors qu’une clarification des responsabilités concernant le risque d’inondation a été engagée, donnant lieu à partir de 2014 au développement du bloc de compétences GEMAPI pour des EPCI à fiscalité propre. Cette démarche de clarification de la gouvernance s’appuie, pour la partie financement, sur la possibilité de lever une taxe et la mise en place de Programmes d’Action contre la Prévention des Inondations (PAPI) pour obtenir la labellisation des actions proposées et leur subvention par l’Etat au titre du fonds Barnier. En montagne, une démarche similaire, les STePRiM, a été engagée pour aider à clarifier la gouvernance de la gestion des risques naturels dans un territoire de montagne exposé à différents types de phénomènes (mouvements de terrain, avalanches, crues torrentielles). L’objectif est d’établir un diagnostic partagé du territoire pour ensuite établir et justifier un programme d’actions qui, une fois le programme labellisé, peuvent obtenir des subventions de l’Etat également au titre du Fonds Barnier. A la différence de la mise en place de la compétence GEMAPI, il ne s’agit que d’une démarche incitative non imposée par la loi.

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Fiche DGa10 : La compétence GEMAPI « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations »

 

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Appel à projets STePRiM « Stratégie territoriale pour la prévention des risques en montagne ». Cahier des charges 2019. Téléchargeable ici et sur le site du MTES.

 

3.1  Les principaux acteurs

La conception puis la réalisation d’un ouvrage de protection collective (ou de renforcement) suppose un maître d’ouvrage public qui peut être l’Etat et ses établissements publics ou les collectivités territoriales et leurs établissements publics (article L2411-1 du Code de la commande publique). Sur un même territoire (une commune par exemple), certains ouvrages de protection ont donc pour maître d’ouvrage l’Etat (par exemple, les ouvrages de correction torrentielle en forêts domaniales RTM), les communes (par exemple, les ouvrages de protection d’une zone d’habitations contre les avalanches), les départements (par exemple, les ouvrages de protection d’une route départementale contre les chutes de blocs), les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI FP) ayant la compétence GEMAPI (par exemple, les digues faisant partie d’un système d’endiguement de protection d’une zone habitée contre les inondations), etc.

Les responsabilités du maître d’ouvrage public et le cadre de ses relations avec des tiers, évoqués ensuite, sont fixées aux articles L2421-2 à L2432-2 du Code de la commande publique.

En substance, le maître d’ouvrage doit d’abord préciser les objectifs de protection que l’ouvrage doit permettre d’atteindre, les besoins qu’il doit satisfaire et les contraintes et exigences de qualité à respecter. Pour élaborer le programme et fixer l’enveloppe financière de l’opération dont il a également la responsabilité, il peut s’appuyer sur un pilotage externe qu’il confie à un tiers (AMO, conducteur d’opération) pour comparer les diverses solutions permettant d’atteindre l’objectif de protection fixé. Cette comparaison peut s’appuyer sur des études préalables réalisées par un bureau d’études.

Pour mener ensuite la phase opérationnelle, il va s’entourer d’une équipe constituée, à moins de compétences internes et selon la complexité du projet, d’intervenants extérieurs aptes à assurer, dans le respect du Code de la commande publique, les missions :

  • d’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) qui porte sur des objets spécialisés impliquant une mission souvent décomposée en plusieurs volets selon la spécialisation de l’AMO : AMO administrative, AMO juridique, AMO technique et AMO financière ;
  • de conduite d’opération qui a pour objet une assistance générale dans les domaines administratif, financier et juridique ;
  • de maîtrise d’œuvre, qui comprend tout ou partie des éléments de conception, d’assistance, de direction et de contrôle des travaux (article L2431-2 du code de la commande publique) : dans le cas particulier d’un projet de réalisation ou de modification substantielle d’un barrage ou d’une digue, le maître d’œuvre devra être agréé, en cohérence avec le niveau de classement du barrage ou de la digue (Articles R 214-119 et R 214-129 à 132 du Code de l’environnement ;
  • d’études, en complément de la maîtrise d’œuvre, et nécessaires pour disposer des hypothèses techniques nécessaires à la bonne conception (géomètres pour levés topographiques, bureaux d’études géotechniques, bureaux d’étude structures) et des hypothèses de contexte (environnemental, paysage) nécessaire au respect des règlementations ;
  • de coordination SPS (Sécurité et Protection de la Santé), dont le contenu est fixé aux articles L4532-2 à L4532-7 du Code du travail, qui est rendue obligatoire dès lors qu’il y a plusieurs intervenants cotraitants sur un chantier ;
  • de contrôle technique, dont les missions pour contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation d’ouvrages sont cadrées dans les articles L111-23 à L111-26 du Code la construction et de l’habitation.

A chacune des phases d’élaboration et d’études successives (préalables, préliminaires, diagnostic, avant-projet, projet), le maître d’ouvrage devra veiller à ce que soient bien menées les concertations souhaitables avec les collectivités, organismes, associations et tiers concernés (avec par exemple, selon l’importance de l’opération, mise en place d’un comité consultatif, organisation de réunions publiques et d’ateliers) ainsi que les consultations officielles ou officieuses, nécessaires ou opportunes.

Par ailleurs, dès le lancement des études préalables, une attention particulière devra être portée aux relations avec les services en charge de l’instruction technico-administrative (future) du dossier afin que ce dernier prenne correctement en compte les exigences d’un contexte réglementaire souvent complexe et ne soit pas retardé ultérieurement par méconnaissance d’une disposition particulière ou locale. Il en sera de même avec les services des organismes susceptibles d’apporter un financement (Etat, Région, Département, etc.) pour s’assurer de la conformité du projet avec les critères d’attribution des subventions et permettre l’établissement en commun du plan prévisionnel de financement et de son échéancier indicatif.

picto-pdfCerema (2014). Les acteurs d’une opération de construction. Fiche n°03 de la série de fiches « Maîtrise d’Ouvrage Publique ». Construire ou réhabiliter un bâtiment. Téléchargeable en format pdf ici sur le site de la série de fiches du Cerema.

 

3.2  La libération du foncier

La libération du foncier nécessaire à l’implantation du dispositif, préalablement à sa réalisation, peut s’avérer une contrainte forte, notamment si les emprises sont importantes. Cela justifie de se préoccuper très tôt, avec le concours notamment des organisations professionnelles agricoles, de l’impact que peuvent représenter, pour les propriétaires et pour les exploitants, les acquisitions et autres possibles changements d’affectation des terrains (cas des champs d’inondation par exemple) et d’en tenir compte lors des études préalables à l’élaboration du projet global de protection. Cela ne justifie pas pour autant de sacrifier la fonctionnalité d’un projet (du fait par exemple d’une emprise utile insuffisante) ou de compromette à terme sa fiabilité en ne respectant pas les règles de l’art (pentes maximales pour les berges et pour les talus par exemple), faute d’accord de la part de quelques riverains.

Une fois le principe de protection arrêté, outre la poursuite des concertations locales, le recours très tôt à des prestataires spécialisés (société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), cabinet de géomètres) pour intervenir par acquisitions et échanges amiables peut limiter le nombre de cas de mise en œuvre ultérieure de procédures administratives spécifiques, souvent lourdes et longues (expropriation, servitudes).

La régularisation, par ailleurs, de situations anciennes pour lesquelles la propriété des emprises des ouvrages est ambiguë est nécessaire afin d’éviter toute difficulté en matière de recherche de responsabilités en cas d’incident ou d’accident.

L’acquisition n’est pas la seule voie pour obtenir la mise à disposition du foncier : elle peut être juridiquement impossible (cas du domaine public) ou mal adaptée au type de projet (drainage de glissements, restauration de berges de cours d’eau par exemple). Aussi, en l’absence d’acte réglementaire spécifique (servitude administrative de passage ou/et d’utilité publique, par exemple), la passation de conventions particulières est nécessaire avant de réaliser les travaux.

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Fiche DGa6 : Outils de maîtrise foncière pour travaux et ouvrages de protection contre les risques naturels

 

3.3  Les procédures : instruction administrative, déclaration d’utilité publique (DUP), déclaration d’intérêt général (DIG), servitude d’aménagement

L’instruction administrative peut porter sur la libération du foncier, l’autorisation réglementaire à réaliser les ouvrages ou l’examen de la légitimité d’une collectivité territoriale à intervenir en tant que maître d’ouvrage (cf § 3.3.1). Ces dernières sont habilitées à intervenir avec des fonds publics sur des propriétés privées si les travaux qu’elles se proposent d’effectuer sont reconnus d’intérêt général ou d’urgence (cf § 3.3.2) ainsi que, pour certains d’entre eux, reconnus d’utilité publique (cf § 3.3.3) ou visés par une servitude d’utilité publique (cf § 3.2).

3.3.1 Instruction administrative

Selon les caractéristiques du projet, l’instruction administrative va porter sur :

  • les acquisitions foncières et les créations de servitudes nécessaires à la réalisation et à l’exploitation du dispositif de protection ;
  • l’autorisation de réaliser les ouvrages prévus, si une ou plusieurs réglementations en vigueur l’exigent ; le dossier sera instruit non pas seulement au vu de son objet principal mais aussi au vu de toutes ses conséquences vis-à-vis des intérêts visés par les réglementations concernées ; dans le domaine de l’eau par exemple, les différentes rubriques concernées de la nomenclature « eau » devront être prises en compte (articles L.214-1 à 6 et R 214-1 à 5 du code de l’environnement) pour définir si le projet relève d’une demande d’autorisation ou d’une déclaration au vu de la gravité potentielle de leurs incidences sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques dont la vie piscicole et le maintien d’un transit sédimentaire suffisant (articles L.214-1 à 6 du Code de l’environnement) : si nécessaire, l’évaluation environnementale nécessaire, constituée par l’ « étude d’impact » et l’avis de l’autorité environnementale, réalisée par le maître d’ouvrage, proposera des mesures pour éviter les incidences négatives, réduire celles qui ne peuvent être évitées, voire compenser (mesures compensatoires) celles qui ne peuvent être ni évitées ni réduites (articles L.122-1 à 3 du Code de l’environnement) ;
  • si une collectivité territoriale est maître d’ouvrage, l’examen de sa légitimité à intervenir, en se substituant partiellement ou totalement aux intéressés pour protéger leurs biens et assurer leur sécurité (indépendamment du pouvoir de police générale figurant à l’article L.2212-2 (5°) du Code général des collectivités territoriales).

La phase d’instruction administrative inclut diverses consultations et recueils d’avis sur le dossier présenté par le maître d’ouvrage avant sa mise en enquête publique ; celle-ci peut désormais être unique au cas où plusieurs consultations du public (qui peuvent être par voie électronique), dont au moins une « environnementale », s’avéreraient nécessaires (article L.123-6 du Code de l’environnement). L’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers. Les observations et propositions recueillies au cours de l’enquête sont prises en considération par le maître d’ouvrage (article L.123-1 du Code de l’environnement). La décision (préfectorale ou ministérielle) intervient suite à l’avis du commissaire enquêteur (ou de la commission d’enquête), des propositions complémentaires du pétitionnaire et, le cas échéant, après consultation de diverses instances ou commissions.

3.3.2 Déclaration d’intérêt général ou d’urgence (DIG)

La DIG est une procédure instituée par la Loi sur l’eau qui permet à un maître d’ouvrage public d’entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, visant notamment l’aménagement et la gestion de l’eau sur les cours d’eau non domaniaux, parfois en cas de carence des propriétaires.

C’est une procédure liée à des travaux et la servitude qu’elle procure s’éteint à l’issue de de l’exécution des travaux.

Sa mise en œuvre peut être prescrite pour réaliser les travaux de protection suivants, lorsqu’ils présentent un caractère d’intérêt général ou d’urgence :

  • du point de vue agricole ou forestier, pour les départements, les communes, les groupements de ces collectivités et les syndicats mixtes (article L.151-36 du Code rural et de la pêche maritime) : lutte contre l’érosion et les avalanches, reboisement et aménagement de versants, défense contre les incendies ainsi que l’accès aux équipements répondant à ces objectifs de protection, entretien des canaux et fossés, travaux de débardage par câble ;
  • dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) s’il existe, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, et les établissement publics territoriaux de bassin, sous réserve de compétence GEMAPI attribuée aux communes (article L.211-7 du Code de l’environnement) : entretien et aménagement d’un cours d’eau canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès ; maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou lutte contre l’érosion des sols ; défense contre les inondations et la mer ; protection et restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ; aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile, ….

Les principes applicables qui suivent sont fixés par les articles L.151-36 à 40 du Code rural et de la pêche maritime.

  • Le caractère d’intérêt général ou d’urgence des travaux est prononcé pour un programme de travaux, soumis à enquête publique. Ce programme doit prévoir la répartition des dépenses à caractère obligatoire (premier établissement, exploitation, entretien) ainsi que les modalités d’exploitation et d’entretien pour un maintien en bon état de conservation des ouvrages. Pour les dépenses, il est possible de faire participer les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent intérêt, à l’exception toutefois du financement des dépenses relatives au bloc de compétences GEMAPI. Toutefois, si le montant de la participation aux travaux est supérieur au tiers de la valeur avant travaux du bien immobilier qui en bénéficie, son propriétaire peut en exiger l’acquisition par la personne morale pétitionnaire.
  • L’institution d’une servitude de passage, permettant l’exécution des travaux ainsi que l’exploitation et l’entretien des ouvrages installés sur les propriétés privées, peut être associée à la DIG. L’enquête publique à laquelle cette servitude est soumise doit alors être menée selon les dispositions spécifiques du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
  • Certains travaux sont dispensés d’enquête publique (au titre de la DIG) s’ils n’entraînent aucune expropriation et si aucune participation financière n’est demandée aux personnes intéressées : travaux nécessaires pour faire face à des situations de péril imminent ; travaux portant sur un cours d’eau couvert par un SAGE pour le rétablir dans ses caractéristiques naturelles suite à une inondation déclarée catastrophe naturelle, trois ans après cette déclaration ; travaux d’entretien et de restauration des milieux aquatiques. Cependant, pour l’occupation temporaire des terrains, les dispositions de l’article 3 de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l’exécution des travaux publics doivent être mises en œuvre.

Cette procédure ne visant que l’exécution des travaux afin de s’assurer d’une maîtrise foncière pérenne des ouvrages on pourra avoir recours à une acquisition amiable, à procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, à une convention libre, ou à la mise en place d’une servitude telle que prévues par l’article L. 566-12-2 du code de l’environnement.

 

3.3.3 Déclaration d’utilité publique

La réalisation de travaux peut être subordonnée à la définition de leur utilité publique, après enquête publique. C’est le cas, par exemple, des travaux de restauration et de reboisement des terrains en montagne (RTM) nécessaires pour le maintien et la protection des terrains en montagne et pour la régularisation du régime des eaux (articles L.142-7 à 9 et R.142-21 à 30 du Code forestier), à la demande de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales.

 

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4 – Surveillance et entretien d’un ouvrage ou d’un dispositif de protection collective

4.1  Dispositifs et ouvrages de génie civil

La surveillance et l’entretien réguliers d’un ouvrage ou d’un dispositif, tout au long de sa vie, est une obligation incombant au propriétaire et/ou au gestionnaire. Leur responsabilité peut se trouver engagée en cas de dommage, en particulier si l’ouvrage ou le dispositif n’a pas été conçu, exploité et entretenu dans les règles de l’art et conformément aux obligations réglementaires :

  • pour les barrages et les digues organisées en systèmes d’endiguement, les obligations et les limites de la responsabilité du propriétaire ou de l’exploitant sont définies dans le Code de l’Environnement selon leur classement (articles R214-122 à R214-126 du code de l’environnement). Par ailleurs, un service de contrôle spécialisé, sous l’autorité du préfet, lui fixe des objectifs et s’assure qu’il remplit correctement ses obligations (voir § 1.4 et 2.2 ci-dessus) ;
  • pour les autres ouvrages et dispositifs, le maître d’ouvrage a généralement bénéficié, sinon d’une autorisation administrative telle la DIG (qui confère un caractère obligatoire aux dépenses d’entretien et de conservation en bon état des ouvrages), tout au moins très souvent de subventions (dont, pour la plupart, l’octroi était conditionné à un engagement de bon entretien).

Les méthodes de suivi, voire de surveillance, de l’état de ces autres ouvrages et dispositifs doivent être adaptées à la fois à la nature du phénomène, au type d’ouvrage et aux enjeux : par exemple, le suivi d’un merlon pare-blocs est totalement différent de celui d’un filet pare-blocs et n’exige pas non plus les mêmes compétences.

Néanmoins, dans tous les cas, il convient que le responsable de l’ouvrage :

  • tienne à jour un dossier de l’ouvrage (comprenant au minimum un descriptif, un récapitulatif des visites avec les constats et diagnostics effectués, un suivi des travaux d’entretien réalisés) ;
  • définisse un rythme de visite adapté (par exemple en distinguant des visites régulières essentiellement visuelles et d’autres plus approfondies, à échéance plus espacées, outre celles suivant un évènement remarquable) ;
  • désigne un ou des prestataires (services techniques, bureau spécialisé) capables d’effectuer constat, diagnostic et proposition d’intervention ;
  • présente annuellement, hors cas d’urgence, un programme d’intervention à l’assemblée délibérante puis fasse réaliser les travaux décidés.

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LCPC (2009). Guide technique. Maintenance des ouvrages de protection contre les instabilités rocheuses. Pathologies et gestion des ouvrages. Téléchargeable ici en PDF et sur le site de l’Ifsttar

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ONF-RTM (2014). Diagnostic et maintenance des filets de protection contre les avalanches. Guide de recommandations. Téléchargeable ici en PDF.

Hormis les visites de terrain, le suivi et la surveillance des ouvrages peut s’appuyer sur des systèmes de télésurveillance et de téléalarme, voire de télésignalisation pour les usagers.

L’importance du parc d’ouvrages à gérer peut justifier le recours à un système d’information géographique (SIG) permettant la géolocalisation des ouvrages et des enjeux protégés, leur description, le traçage des diagnostics, travaux exécutés, incidents et accidents survenus, l’élaboration de bilans et de propositions de programmation. Le recours à ces outils est ainsi assez généralisé avec, par exemples, la base de données RTM (BDRTM) pour la gestion des ouvrages en forêts domaniales RTM par le service de l’ONF-RTM pour le compte de l’Etat, les bases de données des conseils départementaux (ou de la SNCF) sur les ouvrages protégeant les infrastructures routières (resp. ferroviaires) dont ils ont la responsabilité, les bases de données pour la gestion des ouvrages dont les collectivités gémapiennes ont la responsabilité (par exemple, SIRS Digues développée par l’association nationale France Digues)…

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Page internet « SIRS Digue » sur le site de France Digues

 

4.2  Dispositifs de génie biologique

L’atteinte des objectifs de régularisation du régime des eaux et de protection contre les phénomènes naturels (érosion des sols, chutes de blocs, avalanches…) est assurée par une gestion forestière multi-fonctionnelle classique, telle que celle mise en œuvre en forêts publiques dans le cadre des aménagements forestiers ou menée en forêts privées en conformité avec les plans simples de gestion ou les codes de bonnes pratiques sylvicoles.

La forêt peut avoir à remplir, de façon durable, une ou plusieurs fonction(s) de protection des enjeux situés en aval (voir § 1.3 ci-dessus). Dans ce cas, cela nécessite une sylviculture spécifique, notamment en montagne, où elle vise à maintenir des peuplements stables présentant une bonne résistance (capacité à ne pas changer) et une forte résilience (rapidité de retour à l’état initial) afin de leur permettre de faire face aux nombreuses perturbations (dont climatiques, avec en particulier le vent) auxquelles ils sont constamment exposés. Sur le plan technique, les interventions sylvicoles correspondantes sont cernées par les guides de sylviculture adaptés aux différents massifs français, et publiés au début des années 2000 suite à de nombreux travaux collaboratifs entre établissements de recherche (Cemagref – devenu Irstea puis INRAE) et gestionnaires (ONF et Centre National de la propriété forestière – CRPF).

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Gauquelin, X., Courbaud, B. (2006) Guide des sylvicultures de montagne – Alpes du Nord françaises. CEMAGREF – CRPF Rhône Alpes – ONF. Téléchargeable ici en format PDF sur le site de l’Observatoire de la biodiversité en Rhône-Alpes

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Ladier, J., Rey, F., Dreyfus, P. (2012) Guide des sylvicultures de montagne – Alpes du Sud françaises. ONF – Irstea. Téléchargeable ici en format PDF sur le site de l’ONF

Néanmoins, de telles interventions, ou tout au moins certaines d’entre elles, peuvent entraîner des sujétions, notamment financières, particulières ; elles doivent en outre être menées de façon cohérente au niveau d’un même bassin de risque, indépendamment de la structure foncière. De ce fait, une approche partenariale avec, le cas échéant, une contractualisation dans l’esprit des chartes forestières de territoire apparaît comme une voie à privilégier.

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