DGa5 – Outils fonciers pour délocalisation de biens gravement menacés

Mise à jour : janvier 2021

Agnes BOITIERE , service sécurité et risque, préfecture de l’Isère

Sommaire :     

 

Lorsque, du fait d’un évènement extérieur, des personnes peuvent être mises en danger à l’intérieur de bâtiments dont la destruction soudaine est probable, la législation prévoit des mesures de délocalisation, tout au moins s’il s’agit de phénomènes à caractère relativement localisé.

Par ailleurs, en fonction de la gravité et de l’imminence du danger, l’autorité ayant les pouvoirs de police générale (maire, préfet) doit prendre sans attendre toutes les mesures nécessaires (par exemple : limitation des accès, évacuation).

1  Risques naturels

Ces dispositions s’appliquent :

  • en cas de menaces graves pour des vies humaines, la notion de menace étant appréciée notamment au regard de la probabilité d’occurrence et du délai de survenance du phénomène naturel, des délais nécessaires à l’alerte et à l’évacuation des populations, etc.,
  • du fait d’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière (hors mine), d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine,
  • sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations (réalisation de travaux, mise en place de mesures de surveillance, d’alerte et d’évacuation) s’avèrent plus coûteux que les indemnités destinées à permettre le remplacement des biens concernés (estimés conformément aux règles de l’ expropriation mais sans tenir compte de l’existence du risque).

Les coûts correspondants (acquisition déduction faite du montant des indemnités assurantielles éventuellement perçues, limitation de l’accès et démolition, frais d’évacuation temporaire et de relogement) sont pris en charge par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM, appelé aussi fonds Barnier).

Elles peuvent être mises en œuvre par une commune, un groupement de communes ou l’Etat soit par acquisition amiable, soit par expropriation. Le bénéficiaire doit, une fois les propriétés acquises et les bâtiments démolis, prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter leur inconstructibilité, en limiter l’accès ainsi que gérer et utiliser les terrains de façon compatible avec le motif de leur acquisition ou de leur expropriation (articles L.561-1 / 4 et R.561-1 / 5 du Code de l’environnement).

 

1.1  Acquisition amiable

C’est la voie à privilégier, compte tenu tant de sa facilité de mise en œuvre que de la rapidité de la procédure par rapport à celle de l’expropriation.

Elle n’est toutefois possible que s’il s’agit de biens couverts par un contrat d’assurance « multirisques habitation » incluant la garantie contre les effets des catastrophes naturelles (article L.561-3 du Code de l’environnement).

Le dossier, comprenant notamment les différents éléments d’appréciation permettant d’établir que les conditions de recevabilité prévues par le Code de l’environnement sont réunies, est transmis au préfet. S’agissant d’une procédure décentralisée, ce dernier est responsable à la fois de l’instruction de la demande, de la décision d’octroi de la subvention (conditionnée toutefois par la mise à disposition de l’enveloppe nécessaire sur le FPRNM), de l’engagement et de l’ordonnancement des sommes.

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Note technique du 11 février 2019 relative au Fonds de prévention des risques naturels majeurs : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=44491

 

1.2  Expropriation

Cette formule n’est à utiliser qu’en dernier recours, suite par exemple à une situation de blocage ou de refus, à une absence d’accord sur l’estimation de la valeur des biens ou face à des situations exceptionnelles par l’ampleur des risques (périmètres très étendus) ou la complexité juridique (propriétés nombreuses ou en indivision).

La décision d’engager la procédure et l’acte déclaratif d’utilité publique relèvent de la compétence exclusive de l’Etat, quel qu’en soit l’initiateur puis le bénéficiaire. Ce dernier établit un dossier qui comprend à la fois les pièces exigées par l’article R. 11-3 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et les différents éléments d’appréciation permettant d’établir que les conditions de recevabilité prévues par le Code de l’environnement sont réunies.

Ce dossier est alors instruit selon les phases successives suivantes :

  • première analyse du dossier, complété si nécessaire par le bénéficiaire, par le préfet,
  • transmission de la demande par le préfet, s’il l’estime recevable, au ministre en charge de l’Environnement accompagnée des pièces du dossier et de son avis,
  • décision sur la suite à donner à la demande par ce dernier en accord avec les ministres en charge de la Sécurité civile et des Finances,
  • en cas de suite favorable, arrêté préfectoral de mise en enquête préalable à la déclaration d’utilité publique de l’expropriation sur la base des éléments du dossier de première analyse,
  • enquête publique et consultations,
  • arrêté préfectoral déclarant l’utilité publique,
  • expropriation (à défaut d’accord amiable, enquête et arrêté de cessibilité),
  • transmission par le préfet au ministre en charge de l’Environnement du montant des indemnités fixées par accord amiable ou par le juge de l’expropriation ; information par le ministre de la Caisse centrale de réassurance (CCR) de ces indemnités ; fixation par arrêté conjoint des ministres en charge de l’Environnement et des Finances, compte tenu des disponibilités du fonds, du montant des sommes à affecter au paiement ou à la consignation des indemnités d’expropriation et aux dépenses liées à la sécurisation du site,
  • transfert par la CCR des sommes ainsi fixées au trésorier-payeur général du département,
  • versement des fonds au bénéficiaire, sur justificatifs en fonction de l’avancement du dossier (transfert de propriété, prise de possession des biens et travaux)

Par ailleurs, lorsque l’extrême urgence rend nécessaire l’exécution immédiate de mesures de sauvegarde, l’autorisation de prendre possession des propriétés dès la DUP déclarée peut être donnée au maître d’ouvrage par un décret rendu sur avis conforme du Conseil d’Etat (article L.561-1 du Code de l’environnement).

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Note technique du 11 février 2019 relative au Fonds de prévention des risques naturels majeurs :  https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=44491

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2  Risques miniers

En cas de risque minier menaçant gravement la sécurité des personnes, les biens exposés à ce risque peuvent être expropriés par l’Etat, dans les conditions prévues par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, lorsque les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que l’expropriation.

Il en est de même en ce qui concerne les biens immobiliers ayant subi des affaissements lorsque le coût de leur sauvegarde, maintien en l’état ou réparation excède la valeur du bien tel qu’évalué sans tenir compte du risque (articles L.174-6 / 12 du Code minier).

3  Risques technologiques

Les possibilités de délocalisation de biens gravement menacés pour risques technologiques ne s’appliquent que sur les territoires couverts par des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) approuvés, ceux-ci étant destinés à traiter les situations à danger élevé héritées du passé (installations existantes Seveso seuil haut) et à préserver l’avenir autour de ces sites (articles L. 515-15 / 26 et R. 515-39 / 51 du Code de l’environnement).

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Fiche DGa4 : Plan de prévention des risques technologiques (PPRT)

 

3.1  Expropriation

Le PPRT peut définir des secteurs où, en raison de l’existence de risques importants d’accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation, par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d’urbanisme et à leur profit, des immeubles et droits réels immobiliers, lorsque les moyens de sauvegarde et de protection des populations qu’il faudrait mettre en œuvre s’avèrent impossibles ou plus coûteux que l’expropriation. Dans ce cas, l’utilité publique reconnue n’est pas la réalisation d’un projet d’aménagement mais la protection des personnes. Cette dernière est menée dans les conditions prévues par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (il s’applique selon les dispositions des articles L. 515-16 et L. 515-16-3 à L. 515-16-7 du Code de l’Environnement et des articles du CECUP (code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) ; en ce qui concerne la fixation du prix d’acquisition, la valeur du bien est déterminée sans tenir compte de la dépréciation supplémentaire résultant du classement en zone à risque.

Le financement de cette mesure est assuré par l’Etat, les exploitants des installations à l’origine du risque et les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements compétents, dès lors qu’ils perçoivent la contribution économique territoriale dans le périmètre couvert par le PPRT ; une convention fixe leurs contributions respectives.

La loi de Finances pour 2012, par son article 125 (V) codifié à l’article L.515-19 du Code de l’environnement, fixe désormais la répartition des contributions entre les 3 parties au cas où la convention prévoyant le financement des mesures d’expropriation et de délaissement (cf. 3.2 ci-après) n’est pas signée dans un délai de douze mois après l’approbation du PPRT (délai pouvant être prolongé de quatre mois par décision motivée du préfet). Si la convention n’a pas été établie dans ces délais, le financement des mesures foncières est fixé par un arrêté préfectoral.

En l’absence de cette convention, l’expropriation ne peut être déclarée d’utilité publique que si la gravité des risques potentiels rend nécessaire la prise de possession immédiate des biens.

 

3.2  Mesures de délaissement

Le PPRT peut également délimiter des secteurs où, en raison de l’existence de risques importants d’accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine, les communes ou les EPCI (s’ils en ont reçu la compétence) peuvent instaurer un droit de délaissement (Cela signifie que les propriétaires des biens situés dans ces secteurs peuvent mettre en demeure « la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme de procéder à l’acquisition [de leur(s) bien(s)] ) des bâtiments ou parties de bâtiments existants (Fondements : Art. L. 515-16-3 du code de l’environnement (CE) et Art. L. 230-1 à L. 230-6 du code de l’urbanisme (CU) ; en ce qui concerne la détermination du prix d’acquisition, la valeur du bien est appréciée comme en matière d’expropriation.

En fonction de l’état d’avancement de la mise en œuvre des PPRT, le droit de délaissement est ouvert soit pendant un délai de 6 ans à compter de la date de signature de la convention de financement ou de la mise en place de la répartition de financement « par défaut » (dans le cadre du délaissement, deux cas de figure sont envisageables pour la mise en place du financement tripartite. Par définition, et tel que prévu au L. 515-19-1 (I) du Code l’environnement, les modalités du financement tripartite sont définies via une convention qui doit être signée entre les parties financeurs dans un délai de 1 an à compter de l’approbation du PPRT, prorogeable 4 ou 6 mois. Passé ce délai de 1 an et en l’absence de la signature d’une telle convention, la répartition entre les différentes parties ne peut plus être négociée et l’on est alors dans une répartition définie par la Loi. On parle alors d’une «répartition par défaut».) soit jusqu’au 23 octobre 2021 dans le cas où la signature de la convention de financement ou la mise en œuvre du financement est antérieure au 23 octobre 20.  

La commune (ou l’EPCI s’il en a reçu la compétence) peut passer une convention avec un établissement public pour lui confier le soin de réaliser l’acquisition des biens faisant l’objet du délaissement.

Le financement de cette mesure est assuré dans les mêmes conditions que celle d’expropriation ; toutefois en l’absence de convention, le droit de délaissement ne peut être instauré. Le financement des délaissements est réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 515-19-1 et L. 515-19-2 du Code de l’environnement.

 

3.3  Droit de préemption

Les communes ou les EPCI (s’ils en ont reçu la compétence) peuvent instaurer le droit de préemption urbain sur les zones interdites ou soumises à réglementation du PPRT (cf. articles L.211-1 / 2 du Code de l’urbanisme). Dans les périmètres à risques technologiques majeurs, la maîtrise de l’urbanisation est un enjeu fort pour les collectivités. Elles disposent de plusieurs outils dont le droit de préemption. Afin de les inciter à y recourir et pour leur permettre de développer leur politique d’aménagement intégrant les risques, de nouvelles dispositions ont été introduites dans le code de l’environnement en 2015. En effet, l’une des nouveautés apportées par l’ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015 relative aux plans de prévention des risques technologiques est la possibilité de financer de manière tripartite le droit de préemption dans les secteurs de délaissement et d’expropriation pendant une durée de 6 ans.

De manière générale, il convient de considérer que la procédure de préemption dans le cadre des PPRT a des spécificités, principalement dans son champ d’application. Mais la procédure en tant que telle est la même que la procédure classique du droit de préemption urbain (DPU).

Le financement correspondant est à la charge exclusive de la collectivité ayant instauré ce droit.

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