R6 – Jurisprudence et responsabilités du maire en matière de risques majeurs

jugement xynthia

Mise à jour : août 2022

Me CORNELOUP, avocat du réseau SMACL Assurances
Jean-Yves DELECHENEAU,
SMACL assurance

 

Sommaire :

 

Actuellement, l’Etat et la commune sont les principales « personnes publiques » qui peuvent voir leur responsabilité engagée en cas de dommages causés par un risque majeur. La responsabilité de l’Etat et/ou de la commune en matière de prévention des risques majeurs découle soit des activités de police administrative générale, soit des décisions en matière d’urbanisme et d’occupation des sols.

Les articles L.2212-2-5° et L.2212-4 du Code général des collectivités territoriales mettent à la charge du maire, titulaire des pouvoirs de police municipale, deux séries d’obligations en matière de risques, qui se traduisent par deux types de responsabilité :

  • d’une part une obligation générale de prévention des accidents naturels et des fléaux de toute nature, de mesures d’assistance et de secours et de provoquer l’intervention de l’autorité supérieure (L. 2212-2-5°),
  • d’autre part une obligation spéciale de prendre, en cas de danger « grave ou imminent », les mesures imposées par les circonstances et d’information à l’autorité supérieure (L.2212-4).

 

1 – Le recul du « cas de force majeure » dans la jurisprudence

Classiquement, pour que la force majeure soit reconnue et que les acteurs publics soient par conséquent exonérés de leur responsabilité, la catastrophe naturelle devra avoir un caractère imprévisible et irrésistible.

Or, les décisions successives du Conseil d’Etat renforcent l’idée que les catastrophes naturelles ne relèvent pas systématiquement de ce « cas de force majeure ». Ainsi l’illustre notamment l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1986 pris à la suite de la demande de jugement en appel de la commune de Val d’Isère (CE, 14 mars 1986, commune de Val d’Isère c/Mme BOSVY et autres). Rappelons qu’à Val-d’Isère, pendant l’hiver 1971, une avalanche s’était abattue sur le chalet de l’UCPA et avait causé la mort de trente-huit personnes.

Le Conseil d’Etat a également jugé qu’une cour administrative d’appel qui avait retenu la qualification d’évènement de force majeure pour une tempête intervenue dans la Commune de Port-Louis d’une forte intensité avait donné aux faits une qualification juridique erronée. Or, il y avait eu des vents jusqu’à 111km/h avec changements soudains de direction, pendant la marée haute, ce qui a donc été jugé insuffisant par le Conseil d’Etat pour retenir la force majeure (CE, 26 juillet 2006, n°272622).

Concernant une avalanche ayant dévasté en partie un immeuble, une cour administrative d’appel a jugé que « si selon les experts le temps de retour, qu’ils situent entre 30 et 40 ans, d’un phénomène avalancheux de l’ampleur de celui en litige, en fait un accident difficile à prévoir avec exactitude et si des chutes de neige d’une importance inaccoutumée dans ce secteur s’étaient produites auparavant, cette avalanche ne peut être regardée comme un événement de force majeure de nature à exonérer la commune de toute responsabilité » (CAA Lyon, 15 juin 2004, n°02LY01876).

En effet, de manière très pragmatique, le juge va rechercher les antécédents connus dans la région où l’événement s’est produit afin d’apprécier le caractère imprévisible de la catastrophe. Dans son jugement du 2 juin 1994, le tribunal administratif de Grenoble, à propos de la crue torrentielle du Grand-Bornand de juillet 1987 en Haute-Savoie, a ainsi considéré que les précipitations d’une période de retour de 200 ans et les crues d’une durée de retour de 170 ans sont imprévisibles (ces chiffres étant issus du rapport d’expertise demandé par le juge). Il considère qu’un tel événement devient imprévisible lorsque «  son rythme de production est au moins séculaire  ».

De même, la Cour administrative d’appel de Nantes a maintenu la qualification d’évènement de force majeure retenue par le Tribunal administratif s’agissant des pluies tombées sur la ville de Brest en octobre 2011 d’une hauteur de 105,1 mm en 12 heures, de nature exceptionnelle, ayant excédé une périodicité centennale et ayant fait l’objet d’un arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle (CAA Nantes, 8 février 2019, n° 17NT01730).

Mais a contrario, le Conseil d’Etat a écarté l’exonération de responsabilité dès lors que le phénomène a déjà été enregistré avec une ampleur identique, Il en fut ainsi en présence d’une crue consécutive à des précipitations abondantes qui avait été déjà constatée «à plusieurs reprises au cours du siècle dernier» (CE, 3 mai 2006, ministre de l’Equipement, n°261956). Dans le même sens, des précipitations d’une période centennale par leur intensité, avec 96 mm en une heure, mais d’une durée de retour de neuf ans en ce qui concerne l’abondance des pluies en 24 heures n’ont pas été jugées constitutives d’un événement de force majeure (CAA Bordeaux, 19 juin 2003, Département de la Martinique, n°99BX02338).

C’est également le cas s’agissant d’une tempête intervenue en février 2010 dans la Meuse dont le juge n’a pas retenu la qualification d’évènement de force majeure à défaut de caractère exceptionnel et imprévisible dans la mesure où le département avait déjà fait l’objet onze ans auparavant d’une tempête violente et exceptionnelle (TA Nancy, 15 mai 2012, n°1001192). De même, n’est pas un évènement constitutif d’un cas de force majeure les pluies qui, « malgré leur importance, leur intensité et leur durée exceptionnelles », ne sont pas imprévisibles, la Commune ayant connu durant les sept années précédentes onze inondations dont sept qualifiées de catastrophes naturelles (TA Melun, 7 janvier 2010, n°0602842).

Ce même raisonnement fut appliqué pour une avalanche se produisant dans un site exposé connu de tous (CAA Lyon, 27 décembre 2001, M et Mme Druliolle, n°95LY01357) ou encore pour des vents dont la vitesse a déjà été enregistrée auparavant (CE, 26 juillet 2006, MAIF, n° 272621).

En outre, un seul précédent significatif peut être suffisant pour établir la connaissance du risque que pouvait avoir l’administration (CAA Bordeaux, 3 avril 1995, consorts Boyer, n°94BX00378). De même, la constatation d’un état de catastrophe naturelle ne suffit pas à caractériser un cas de force majeure, « à elle seule et en l’absence de tout autre élément susceptible d’établir le caractère imprévisible et irrésistible des intempéries en cause » (CAA Nantes, 17 septembre 2021, n° 20NT02508).

Les décisions rendues plus récemment à propos de la tempête Xynthia illustrent parfaitement ce recul de la force majeure. Même si un phénomène est d’une grande intensité et présente un caractère exceptionnel, la force majeure ne sera pas reconnue s’il n’était ni imprévisible ni irrésistible :

« Malgré le caractère exceptionnel de la conjonction des phénomènes de grande intensité ayant caractérisé la tempête Xynthia, celle-ci n’était ni imprévisible en l’état des connaissances scientifiques de l’époque, ni irrésistible compte tenu de l’existence de mesures de protection susceptibles d’être prises pour réduire le risque d’inondation et ses conséquences » (CE, 31 mai 2021, n° 434733, v. aussi par exemple CAA Nantes, 10 décembre 2019, n° 18NT02728 qui détaille les éléments de connaissance dont disposaient les communes avant la tempête).

Cette tendance au recul de l’exonération en cas de force majeure peut notamment s’expliquer, non seulement par le développement de l’obligation de délimiter règlementairement les risques mais en outre par le progrès des techniques de prévision et de prévention, réduisant ainsi considérablement les possibilités de voir la responsabilité de la personne publique écartée sur le fondement de la méconnaissance du risque, c’est-à-dire, de l’imprévisibilité du phénomène naturel à l’origine des dommages.

Il en résulte, que dès qu’un risque existe, fut-il minime voir improbable, le maire et les personnes publiques ont l’obligation d’agir. Le principe de précaution doit donc être mis en œuvre sans aucune considération de probabilité.

C’est ainsi que le maire doit intervenir, aussi bien dans un cadre général pour prévenir le ou les  dangers que dans un cadre spécial, c’est-à-dire en présence d’un danger  « grave ou imminent » .

Dans ces conditions, la responsabilité de l’autorité administrative compétente ne peut être recherchée que pour absence ou insuffisance de mesures de prévention et sera en principe engagée sur la base de la faute, étant entendu que le lien de causalité entre la faute et le dommage allégué devra être établi.

Haut de page

 

2 – De la responsabilité du maire en cas de carence dans la mise en œuvre de son obligation de prévention

Les mesures de prévention prises sur le fondement des dispositions de l’article L2215-5, peuvent engager la responsabilité de l’autorité en principe en cas de commission d’une faute simple (dysfonctionnement, mauvaise appréciation de la situation etc…).

Le contrôle juridictionnel exercé par le Juge administratif dans le cadre de ses attributions contentieuses porte indifféremment sur les accidents mineurs ou les grandes catastrophes.

L’arrêt du 14 mars 1986, précédemment cité, est édifiant à cet égard. La responsabilité de la commune est engagée si « l’insuffisance de mesures de prévision et de prévention prises par la commune, a constitué une faute de nature à engager sa responsabilité vis à vis des victimes dans les circonstances de l’affaire, et compte tenu, tant de l’importance du développement de la station de sports d’hiver, que de la gravité des risques encourus ». Il est ajouté que la commune n’avait pas procédé de façon approfondie à l’étude des zones exposées à des risques d’avalanche, et qu’elle n’avait entrepris qu’une part très réduite du programme de construction des ouvrages de protection qui eussent été nécessaires, sans que ces travaux apparussent hors de proportion avec les ressources. En outre, le fait que la responsabilité de l’Etat soit engagée par son retard à délimiter les zones exposées aux risques naturels, « n’est pas de nature à exonérer la commune de la responsabilité qu’elle encourt, du fait de ses obligations en matière de police de la sécurité ».

De ce jugement ressort l’obligation de prévention par des études approfondies et de protection par des travaux appropriés.

L’affaire relative à la tempête Xynthia est venue apporter de nombreux éléments de précision à propos des obligations des maires et communes mais aussi des préfets.

En effet, les catastrophes interviennent souvent à des endroits faisant l’objet de plans de prévention des risques (PPR) arrêté par l’autorité préfectorale. Or, si, à l’aune de la catastrophe intervenue, le PPR est jugé insuffisant, la responsabilité de l’Etat est acquise.

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt précité du 31 mai 2021, n° 434733 a ainsi jugé à propos de la tempête Xynthia, que l’Etat avait commis une faute dans la mesure où « l’aléa de référence par ce PPRI pour la vallée du Lay était légèrement inférieur au niveau de 4 mètres pris en compte pour le reste du littoral vendéen, alors même que le risque d’inondation dans ce secteur était au contraire d’une particulière gravité et connu depuis de nombreuses années ». Or, « la sous-évaluation fautive de l’aléa de référence est en lien direct avec les préjudices invoqués dès lors qu’il en résultait que la délimitation des zones inconstructibles et la définition des prescriptions particulières à appliquer dans certaines autres zones n’étaient pas suffisantes pour prévenir les dommages provoqués par la tempête Xynthia ».

En ce qui concerne strictement la commune, la jurisprudence fait apparaître trois principaux cas de responsabilité : les carences de signalisation et d’information (1.), l’absence ou l’insuffisance de travaux susceptibles de prévenir ou d’atténuer les effets d’un risque naturel majeur (2.) et l’absence ou l’insuffisance de mesures de contrôles (3.) Il faut aussi retenir que le Préfet a un rôle de substitution le cas échéant (4.).

 

2.1  Les carences de signalisation et d’information

S’il n’existe pas, pour la commune, d’obligation permanente et généralisée de signaler les risques, le maire a l’obligation de mettre en garde ses administrés contre les dangers particuliers auxquels ils peuvent se trouver exposés.

Il doit, par exemple, assurer la sécurité des pistes de ski en prenant des mesures pouvant aller jusqu’à la fermeture en cas de danger, notamment de verglas (CE, 4 mars 1991, commune de Saint-Lary-Soulan, ou encore CAA Lyon, 11 juillet 2006, Mme Oumelkir X, n°01LY00189). Le fait de ne pas avoir signalé le danger que constitue une clôture à fleur de neige dans une zone hors-piste tolérée est de nature à constituer une faute qui engage la responsabilité de la commune (CE, 9 novembre 1983, Cousturier, in Jurisques, 2000).

Dans un arrêt de 2019, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que le Tribunal administratif avait à juste titre estimé que le Maire n’avait pas pris toutes les mesures appropriées pour informer les promeneurs des dangers particuliers présentés par le site, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la Commune ; en l’espèce, était en cause l’absence de signalisation avant un accident survenu sur un sentier balisé « nécessairement connu des autorités locales comme étant propice aux risques liés aux coulées de neiges », classé par le plan de prévention des risques naturels en zone rouge « avalanches » en hivers et « inondations » du printemps à l’automne (CAA Bordeaux, 28 juin 2019, n°17BX03610).

De même, cet arrêt témoigne également de la nécessaire adéquation de la signalétique au danger (en l’occurrence un seul panneau situé à 1 mètre de la route où ont été posées des affichettes lisibles que par les piétons, est considéré comme inadéquat).

Le plus souvent, le juge reconnaît la faute simple, dans la mesure où il s’agit de dispositions préventives d’ordre réglementaire, faciles à prendre et à faire respecter.

L’obligation de signalisation ne se suffit pas à elle-même. C’est ainsi que la pose de panneaux « chaussée glissante » et « risque de verglas » n’exonère pas la collectivité de sa responsabilité en cas de sinistre, si elle s’est abstenue de mettre fin aux causes du verglas, à savoir en l’espèce des travaux réalisés par ses soins sur la chaussée (TA Dijon, 12 novembre 2020, n° 1900116).

En revanche, le juge administratif écarte la responsabilité de la collectivité dans deux cas de figure :

  • Lorsqu’il s’agit d’un risque ou d’un danger mineur qu’un maire n’est pas tenu de signaler : dans ce cas le juge apprécie la situation des lieux, l’enneigement le jour de l’accident, la visibilité, c’est ainsi qu’une cunette (petit canal d’évacuation des eaux) d’importance limitée non signalée située en bordure de piste non damée, un jour de bonne visibilité n’a pas à être signalée (CAA Lyon, 8 octobre 2009, commune de LANDRY n°07LY01938 ; CE, 19 février 2009, commune de Font-Romeu n°293020). Selon une décision de 2013, le Conseil d’Etat a donc relevé que « la cour n’a pas commis d’erreur de droit en indiquant que le maire ne devait prendre des dispositions pour assurer la sécurité des skieurs sur le chemin hors-piste habituellement emprunté par les skieurs et sur lequel a eu lieu l’accident qu’en cas de danger exceptionnel » (CE, 31 mai 2013, n°350887).
  • Lorsque la victime à commis une faute : l’absence de signalisation d’une plaque rocheuse sous la neige, obstacle fréquent en haute montagne, et contre lequel les skieurs doivent normalement se prémunir, n’est pas constitutive d’une faute commise par le maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police (CE, 16 juin 1986, Rebora, in Jurisques, 2000 ; CAA Lyon, 8 Octobre 2009, commune de LANDRY précitée). Atténuation de la responsabilité de la commune par le fait de la faute des victimes qui, par grave imprudence, se sont avancés lors de fortes pluies et inondations sur une voie, bien que dépourvue de signalisation, connue pour être inondable, la nuit, sans visibilité, et malgré plusieurs mises en garde (CAA Bordeaux, 16 mai 2017, n°15BX00859). Par ailleurs, dans une décision de 2012, le Tribunal administratif de Marseille, rappelant « qu’il appartient au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prévenir » et « que la carence du pouvoir de police municipale peut éventuellement mettre en jeu la responsabilité de la commune », juge que le défaut de dispositif de prévention de chutes de blocs rocheux n’est pas constitutif d’une faute du maire puisque l’accident « n’a pu se produire qu’en raison de la faute commise par les deux accompagnatrices qui ont manqué à leur obligation de surveillance durant la promenade » (TA Marseille, 16 février 2012, n°1007735).

Le principe s’applique également aux risques liés aux éboulements, glissements de terrain, inondations et incendies.

 

2.2  L’absence ou l’insuffisance de travaux susceptibles de prévenir ou d’atténuer les effets d’un risque naturel majeur

Le maire doit entreprendre ces travaux afin d’assurer la sécurité des administrés même en l’absence de P.P.R. (CAA Lyon, 30 mai 1995, ministère de l’Environnement, n°93LY01992) ; à défaut, l’autorité publique engage sa responsabilité.

Selon les travaux à réaliser le maire dispose de deux types de pouvoirs :

  • Ou bien les travaux à réaliser sont situés sur une propriété privée : le maire peut alors prescrire  au propriétaire les conditions de réalisation de travaux pour prendre en compte un risque naturel (CAA Marseille, 9 février 2004, M. rené X, n°00MA00511) : en l’espèce, le maire a ordonné au propriétaire une remise en état partielle des parcelles ayant fait l’objet de travaux de terrassement par le propriétaire, ces travaux étant susceptibles d’entraîner des risques d’éboulement le long des ravins. Il peut notamment prescrire la réalisation de travaux de sécurisation prévus dans l’autorisation de lotir (aménagement d’un piège à blocs au pied d’une falaise CE, 22 octobre 2010, M. et Mme C.,n°316945).L’affaire de la tempête Xynthia fournit là encore une bonne illustration : les associations syndicales autorisées n’ayant pas réalisé les travaux nécessaires d’exhaussement de la digue, la commune de la Faute-sur-mer s’est substituée à elles mais de manière trop tardive puisque, lorsque la tempête est survenue, lesdits travaux venaient seulement de commencer (CE, 31 mai 2021, n° 434733).
  • Ou bien la collectivité peut intervenir directement : le maire procède alors à la réalisation de travaux et d’ouvrages. Ces travaux sont exécutés par la commune et à ses frais (CE, 14 mars 1986, commune de Val d’Isère, n°96272) ; tel est le cas également pour la purge des pentes susceptibles d’affecter la sécurité d’une piste de ski, au moyen de tout système artificiel – CAA Lyon, 11 juillet 2006, Mme Oumelkir X, précitée).

Bien évidemment, le juge apprécie la portée de cette obligation au regard des circonstances de chaque espèce.

C’est ainsi qu’il a été jugé que :

  • les travaux envisagés doivent être utiles afin de prévenir le danger. Le caractère inéluctable d’un événement peut rendre inutile certains travaux de protection au regard de sa survenance (CAA Bordeaux, 1er août 1994, Bedat n°93BX00418) ;
  • le coût des travaux au regard des ressources communales permet  d’écarter la responsabilité de la commune. Ainsi, en n’entreprenant pas des travaux plus importants qui auraient été hors de proportion avec ses ressources, la commune de La Morte (Isère) n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité lors de l’avalanche dite de l’Alpe du Grand Serre le 20 janvier 1981 (CE 16 juin 1989, Ski Alpin Murois, in Jurisques, 2000) ; dans le même sens. (CAA Bordeaux, 11 décembre 2007, M. Yohan Y, n° 05BX01804), concernant la protection d’un parking. Il en va de même s’agissant de la Commune qui, en raison de ses ressources financières limitées, n’a pas pris de mesures à même d’empêcher un éboulement (CAA Bordeaux, 2 mai 2007, n°04BX00940).

 

2.3  L’absence ou l’insuffisance de mesures de contrôles

Si les autorités locales n’ont par principe pas d’obligation de mettre en place des services de surveillance de la stabilité des sols (CAA Nantes, 9 juin 1993, Deshayes, n°91NT00680) ni de surveillance des crues (CE, 23 février 1973, Tomine, n°81302), en revanche il a été jugé que la vérification de l’état d’une digue de protection, même si l’entretien de celle-ci relève de la compétence d’un syndicat privé de propriétaires riverains, entre dans le champ des pouvoirs de police générale du maire et en cas de carence consitue une faute (TA, Marseille, 4 février. 2002, Union des Assurances de Paris et Société Splendid Garage, n°9702728 ; solution confirmée : CAA Marseille, 19 décembre 2005, commune de Pertuis, n°02MA00711 ; CE, 14 mai 2008, commune de Pertuis, n° 291440).

 

2.4  Les mesures de substitution prises par le préfet

L’article L.2215-1 du Code général des collectivités territoriales conduit le préfet à intervenir pour le compte et sous la responsabilité des communes en cas de carence du maire.

Lorsqu’un préfet se substitue au maire, seule la responsabilité de la commune est susceptible d’être engagée en cas de faute commise par le préfet dans l’exercice de ce pouvoir de substitution car le préfet agit au nom de la commune (CAA Marseille, 26 janvier 2004, ministre de l’Intérieur, n°99MA01796 ; CAA Douai, 7 octobre 2004, Sec. d’Etat au logement, n°02DA00265 ; CAA Marseille, 3 janvier 2005, ministre de l’Intérieur, n°01MA00523).

Il faut également noter le pouvoir de substitution dont dispose le préfet à l’égard des associations syndicales de propriétaires et mis en avant dans l’affaire de la tempête Xynthia, le Conseil d’Etat ayant jugé que la responsabilité de l’Etat peut être retenue si le préfet ne s’est pas substitué à une telle association syndicale dans un délai raisonnable (CE, 31 mai 2021, n° 434733).

Haut de page

 

3 – De la responsabilité du maire en cas de carence ou de disproportion dans la mise en œuvre de son obligation de sauvegarde

La méconnaissance par le maire de ses obligations particulières liées à la présence d’un danger « grave ou imminent » (article L.2212-4)

En vertu des dispositions de l’article L2212-4 du Code général des collectivités territoriales, en cas de danger grave ou imminent, le maire a deux obligations :

  • prescrire l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances,
  • informer d’urgence  le préfet.

En cas de contentieux, le juge opère un double contrôle :

  • sur le danger lui-même, est-il grave ou imminent ?
  • sur les mesures elles-mêmes : le juge vérifie l’adéquation entre la mesure prise et le danger.

 

3.1  Le danger grave ou imminent

Le juge interprète de façon assez large cette notion de danger grave ou imminent :

Catastrophe naturelle imminente : cyclone, éruption d’un volcan (CE, 18 mai 1983, F. Rodes, n° 25308), éboulement d’une falaise (CAA Marseille, 19 juin 2006, Assoc. Saint-Jean de Grasse, n°04MA01953 ; CAA Douai, 22 février 2007, commune de Gonfreville l’Orcher, n° 06DA00494, CA Rennes, 17 avr. 2013, n° 12/01914, TA Nice, 29 nov. 2011, n° 0806120), des risques de glissement de terrain et de coulées de boue en raison de conditions géologiques, hydrogéologiques et géotechniques défavorables (TA Nice, 11 oct. 2011, n° 0804814).

Le maire peut également utiliser ses pouvoirs de police administrative générale (L. 2212-4 du code), en lieu et place de ses pouvoirs de police administrative spéciale des édifices menaçant de ruine visés aux articles L. 511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, si une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent est caractérisée (CE, Chambre réunies 5 juin 2019, n° 417305).

 

3.2  Des mesures en adéquation avec le danger

Si le danger est grave ou imminent, alors le maire dispose d’un grand nombre de mesures pour faire cesser l’exposition au risque encouru.

C’est ainsi, que l’autorité publique peut mettre en demeure des particuliers d’interrompre les travaux effectués sans autorisation dans une zone rouge d’aléa fort de glissement de terrain du PPR (CAA Marseille, 20 décembre 2010, commune de Menton, n°08MA03341) ; prescrire la réalisation de travaux sur des immeubles privés ou sur les propriétés privées ;  (CE, 15 juillet 2004, Mlle Geneviève X, n°227914 ; CAA Marseille, 2 mars 2006, Mlle Marie-Hélène X, n°02MA00595 ; CAA Douai, 22 février 2007, commune de Gonfreville l’Orcher, n°06DA00494) ; interdire la circulation sur une route, ordonner une évacuation des zones menacées (CAA Marseille, 19 juin 2006, Assoc. Saint-Jean de Grasse, n°04MA01953), prononcer une interdiction d’habiter (CAA Marseille, 19 juin 2006, Assoc. Saint-Jean de Grasse, n°04MA01953) ; procéder à des mesures d’exécution sur des propriétés privées (TA Nîmes, 8 mars 2012, n° 1001841), comme par exemple procéder à l’enlèvement d’une installation qui présente un danger grave et imminent (TA Marseille, 27 sept. 2012, n° 1100427), procéder à des travaux pour prévenir un éboulement (CA Rennes, 17 avr. 2013, n° 12/01914).

Le juge administratif, devant ces mesures commandées par l’urgence et qui peuvent être diverses, ne déclarera la commune responsable que s’il existe une disproportion entre le danger et la ou les mesures prises.

Cette appréciation concrète par le juge prend bien évidemment en considération, l’urgence de la situation au moment de la prise de décision, en conséquence, lorsqu’il ressort d’éléments sérieux qu’il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée, l’autorité de police ne commet pas de faute en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision et ce, même si ces mesures se révèlent ensuite inutiles (CE, 31 août 2009, commune de Cregols, n°296458 ; CAA Bordeaux, 13 juin 2006, commune de Cregols, n°03BX01468).

Toutefois, une mesure de police n’étant légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, le fait de démolir complètement un immeuble a pu être jugé comme disproportionné en ce qu’il porte une atteinte grave au droit de propriété (CA Grenoble, 2e ch., 31 mai 2022, n° 18/05187). Lorsque la situation de danger cesse, la mesure doit également cesser, l’autorité de police à l’obligation de les abroger ou de les adapter (CE, 31 août 2009, commune de Cregols, n°296458 ; CAA Bordeaux, 13 juin 2006, commune de Cregols, précitée).

En effet, le Conseil d’Etat a rappelé que ce pouvoir de police du maire ne l’autorise à prendre que des mesures temporaires ou limitées de prévention ou de sauvegarde, dès lors doit être annulée car permanente et définitive, une mesure privant la propriétaire actuelle de l’usage de son bien en interdisant toute occupation de l’immeuble dans l’attente d’une éventuelle acquisition amiable par la commune (CE, 21 octobre 2009, Mme A, n°310470).

Haut de page

 

4 – Responsabilité pénale de la commune et des maires

Aux termes de l’article 121-2 (1) du Code pénal, les personnes morales donc les communes, à l’exclusion de l’État, sont pénalement responsables « des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

Toutefois, l’alinéa 2 de ce même texte précise que les collectivités territoriales ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.

Ainsi, la responsabilité pénale de la commune ne peut être recherchée suite à un accident survenu à l’occasion de l’exécution même du service public communal d’animation de classes découvertes suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps scolaire dés lors que cette activité du service de l’enseignement n’est pas susceptible de conventions de délégation (Cass.crim,12 décembre 2000 ; Drame du DRAC).

L’objet même de l’alinéa 2 est principalement de soustraire à toute responsabilité pénale les collectivités territoriales dans l’exercice des activités qui leurs sont propres.

En revanche, les exemples de condamnations pénales de maire sont plus fréquents.

L’article 121-3 (2) du Code pénal édicte le principe selon lequel les crimes et les délits sont toujours des infractions intentionnelles.

Mais toute règle a son exception, et l’article 121-3 alinéa 2 est celle-là.

La responsabilité pénale d’un élu peut ainsi être engagée en cas de délit non intentionnel, plus particulièrement en cas de mise en danger de la vie d’autrui ou encore d’homicide ou de blessures involontaires.

A titre d’exemple, citons la condamnation du maire de la Commune de la Faute sur Mer par la Cour d’Appel de Poitiers à la suite du décès de 29 personnes lors de la tempête Xynthia. La cour a retenu à son égard non seulement plusieurs fautes caractérisées (absence de mise en place d’un plan communal de sauvegarde, absence de diagnostic de la digue et de surveillance, absence d’alerte de la population) mais l’a également condamné pour avoir commis plusieurs manquements délibérés à une obligation particulière de sécurité prévue par la loi, en l’occurrence absence d’information biennale et absence de mise en place d’un Document d’information communal sur les risques majeurs – DICRIM ( CA Poitiers, 4 avril 2016, n° 16/00199).

L’on peut également citer la condamnation par le Tribunal Correctionnel de Bonneville du maire de Chamonix reconnu responsable du décès de douze personnes suite à l’avalanche qui a dévasté le hameau de Montroc aux motifs que le risque d’avalanche était particulièrement connu de tous et spécialement du maire qui compte tenu du risque, n’a pas su prendre la seule mesure adéquate, à savoir, l’évacuation (17 juillet 2003, n°654/2003).

Concernant les risques technologiques, la loi du 22 juillet 1987 (3) a rendu nécessaire l’intégration aux documents d’urbanisme des zones de risques technologiques majeurs. Un PLU peut être déclaré illégal dans le cas contraire (TA Poitiers, 3 avr. 2014, n° 1201058).

Par cette même loi, le maire est responsable de l’alerte et de l’organisation de la prévention de la population (Arrêt Cass-Crim.14 novembre 2000-n°6781 Condamnation en première instance d’un maire ayant délivré un permis de construire dans une zone non constructible-Relaxe en appel au motif que le maire en suite d’une délégation de signature, n’était pas personnellement intervenu dans la délivrance du permis).

Existent par ailleurs les délits de pollution des eaux (articles L 432-2 et L 216-6 du Code de l’environnement) qui permettent de poursuivre un maire pour absence de station d’épuration (Arrêt Cass.Crim du 2 mai 2011-n°3118°).

L’étude de la Jurisprudence montre que la responsabilité pénale des maires est de moins en moins engagée notamment grâce à la loi du 10 juillet 2000 (4) (loi FAUCHON) qui a divisé par deux les poursuites et les condamnations des élus.

Face à cette dépénalisation, les justiciables optent désormais plutôt pour une responsabilité pécuniaire devant les juridictions administratives ou civiles.

Haut de page

 

Notes bas de page :

(1)  Article 121-2 CP: Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3.

 

(2) Article 121-3 CP: Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.

Il n’y a point de contravention en cas de force majeure.

 

(3)  Loi n°87-565 du 22 juillet 1987  relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs.

 

(4) Loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.