DGv6 – Communication de crise : positionnement, coordination et mobilisation

communication de crise

Dernière mise à jour : février 2021

Marianne ROBINOT COTTET-DUMOULIN, Consultante senior gestion des risques et communication

 

Sommaire :     

 

En cas de crise majeure, les collectivités jouent un rôle incontournable. Les élus doivent notamment communiquer avec la population, les médias, leurs  agents…l’ensemble des  parties prenantes. Cette communication  nécessite une capacité de réponse rapide et efficace, soucieuse , de la cohérence des messages transmis et du maintien du lien avec la population.

 

1 Communication de crise : à quels moments et avec qui ?

1.1  Préparer tous les acteurs en communicant en amont des crises

L’information préventive permet d’impliquer la population, de transmettre les consignes à appliquer et de préciser le rôle de chacun. C’est une véritable opportunité de positionner la municipalité comme source fiable d’informations et écoutée en cas de crise.

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Fiche DGi1 – Information préventive des populations

 

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Fiche R7 : Responsabilités du maire en matière d’information préventive

 

1.2  Communiquer pendant la crise pour la sauvegarde de la population

Pour les élus, le premier enjeu  de la communication de crise  est d’informer le plus tôt possible la population sur la situation et de transmettre les consignes de sauvegarde. Le plan communal de sauvegarde (PCS) doit avoir défini un cadre pour les éléments de communication : information préventive, alerte, consignes de mise en sécurité, moyens de soutien.  Communiquer en situation de crise nécessite d’actualiser les messages, en fonction de l’évolution de la situation et de l’état de l’opinion.

1.3  Poursuivre la communication en post-crise

Le travail et la communication des élus locaux ne s’arrêtent pas après la phase d’urgence. Ils ont une véritable mission de soutien et d’information de la population, de présence auprès des sinistrés. Ils composent avec l’état psychologique de leur public et continuent de communiquer tout au long de la crise et après la crise (de l’évaluation des dégâts jusqu’aux projets d’aménagement).

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Fiche R14 – La gestion post catastrophe

 

La sortie de crise doit être marquée concrètement par  la fermeture  de la cellule de crise ou la signature d’un arrêté de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle. Cette communication d’après crise s’appuie sur des faits significatifs et visibles, comme la fin de travaux ou le lancement d’une saison touristique ; elle est aussi l’occasion de remercier tous les acteurs qui se sont engagés dans la gestion de l’événement. Les dates anniversaires ou les procès sont à ce titre des périodes délicates parce qu’elles peuvent être l’occasion de faire ressurgir la crise passée et ainsi la projeter à nouveau sur le devant de la scène médiatique.

Un retour d’expérience de la communication produite pendant la crise sera établi pour améliorer et optimiser l’information transmise à la population ainsi que la préservation de l’image du territoire. C’est le moment d’interroger la stratégie de communication déployée, le respect des axes définis, l’atteinte des objectifs fixés, mais aussi la perception des messages transmis.

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Fiche DGp6 – Retour d’expérience

 

 Aide pratique proposée aux élus pour leur communication sur les risques majeurs :

Se préparer en amont

Échanger avec les parties prenantes (autres élus, agents, médias, services de secours et de sécurité, administration territoriale, acteurs économiques et sociaux, associations) ; cartographier leur positionnement.
Définir les postes et les rôles au sein de la cellule communication ;Se préparer dans le rôle de porte-parole.
Réaliser des formations et des exercices d’entraînement.
Déployer des règles internes de remontée d’information ;organiser un système de veille et des procédures de déploiement des outils.

Se positionner pendant la crise

Etre réactif pour occuper le terrain grâce à une astreinte et une alerte rapide de tous les élus.
Déterminer l’impact médiatique de l’événement : sensibilité du sujet, complexité de la situation, dimension émotionnelle, intérêt pour les médias, engagement de responsabilités.
Définir une stratégie et des messages clés susceptibles d’évoluer dans le temps ; montrer son engagement vis à vis de la gestion de la crise, informer sur les actions menées et l’attention portée aux personnes impactées ; écouter les avis des collaborateurs.
Etre source d’informations actualisées pour le public ;prendre en compte les sollicitations quitte à rappeler votre correspondant.

Poursuivre en post-crise

S’organiser pour durer : crise longue et/ou rebondissements (répliques, anniversaire, procès, etc.) ; adapter sa communication et ses ressources.
Analyser votre communication, notamment qualitativement et procéder à un retour d’expérience.

 

1.4  Coordonner la communication avec tous les gestionnaires de la crise

Plusieurs acteurs communiquent lors d’une même crise en s’adressant aux mêmes publics. Des contradictions peuvent alors apparaitre dans les messages diffusés et ainsi perturber la communication des élus en la rendant parfois confuse voire incompréhensible. Les élus, source d’information officielle et crédible, doivent se faire reconnaître comme tel pour assurer une cohérence dans l’information délivrée. Seul le Maire et un porte-parole clairement désigné sont autorisés à diffuser les informations transmises par les autorités compétentes (via des points presse réguliers par exemple).

Leurs prises de parole doivent être relayées par des acteurs reconnus du grand public, par des partenaires crédibles, proches de la population et dignes de confiance. Les élus locaux doivent donc partager une même stratégie avec l’ensemble des acteurs de la gestion de crise : sapeurs-pompiers, policiers municipaux, autorité territoriale, réserve communale de sécurité civile, associations locales de sécurité civile, médias locaux, etc. Cette coordination permettra de lutter contre d’éventuelles rumeurs.

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 2   Mobilisation des publics et combinaison des outils

 2.1 Se faire entendre de la population

La  communication de crise des élus locaux est destinée à la population. Le partage préalable d’une culture locale des risques avec une population informée et capable de réagir augmente l’efficacité de cette communication. Vulgariser des sujets techniques pour gagner en compréhension et impliquer chaque personne est important pour préparer et mieux anticiper les crises

Attention, en fonction des circonstances la relation avec le public peut varier considérablement. L’habitant solidaire qui vient prêter main-forte pendant une crise peut le lendemain être une victime cherchant de l’aide pour l’indemnisation de ses biens.

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Communiquer sur les risques pour responsabiliser la population, Charly Duplan, Magasine de la communication de crise et sensible, 2014

 

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Sensibiliser les populations exposées au risque d’inondation, comprendre les mécanismes du changement de la perception et du comportement, Les guides du CEPRI, 2013

 

La confiance établie entre l’élu local et la population est essentiel en période de crise ; les élus locaux s’appuient sur cette proximité pour maintenir ce lien. Par leurs échanges immédiats avec la population, les élus locaux disposent d’un outil de communication précieux compensant souvent le peu de moyens techniques et humains disponibles pour gérer les événements majeurs. Toutes leurs prises de paroles doivent rester en lien avec la réalité des actions engagées sur le terrain.

 

2.2 Impliquer les agents

Dans un contexte de crise, la parole d’un agent de la collectivité va être recherchée, notamment par les médias, pour apporter un témoignage, voire alimenter un débat sur les responsabilités de la collectivité et/ou des élus. Il faut donc informer les agents impliqués  de la stratégie de communication de la collectivité, de qui en est le porte-parole et des actions qui sont menées .

Les partenaires internes soit les autres élus et les agents, sont de vrais relais de la communication de crise ; ils remontent également des informations et des questionnements de la population. La communication interne est ainsi cruciale et doit donc être régulière et transparente, à l’écoute des interrogations  des agents.

2.3 S’appuyer sur les médias

Les relations des élus avec les médias sont assez contingentes, mais ce n’est pas en les évitant, voire en les repoussant, que les élus seront mieux traités. Les élus ont tout intérêt à être une source reconnue d’informations fiables plutôt que de laisser se multiplier les sources officieuses. Entretenir des liens avec les médias locaux hors crise permet une mobilisation plus efficace pendant la crise.

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Pages 23 à 28 du Guide en communication de crise par le Centre de Crise du gouvernement fédéral  belge

2.4 Mobiliser tous les acteurs de la vie publique locale

La crise sera l’occasion pour des acteurs de la vie publique locale de prendre la parole. Les commerçants, les membres d’associations, les responsables d’écoles, les autorités territoriales, etc. pourront s’exprimer. Il est nécessaire de connaître leur position. Ils peuvent devenir des soutiens, des personnes ressources identifiées localement comme des relais crédibles. Ces alliances porteront aussi leurs fruits en post-crise, quand le moment de solidarité laissera la place aux premières critiques.

2.5  La combinaison des outils de communication

Les élus s’adressent à un large public qui a chacun sa spécificité. Aucun outil de communication pris séparément ne peut suffire pour cet échange. Les canaux et les outils doivent donc être diversifiés et combinés. L’enjeu est de mobiliser les bons outils en fonction du public, du moment de la communication mais aussi du contexte local.

Combiner les outils ne signifie pas en créer une multitude, mais en maîtriser plusieurs. Ces outils sont ceux que les élus utilisent habituellement ; ils les maîtrisent et le public les connaît : journaux communaux, médias locaux, panneaux à messages variables, porte-à-porte, site Internet, réseaux sociaux, courriers, affichage public. Les élus privilégieront des messages courts, adaptés aux différents supports, explicites et imagés pour aider à la compréhension et à la mémorisation.

2.6  Focus sur les réseaux sociaux et applications

Les réseaux sociaux et les applications mobiles doivent être pris en compte pour la veille, la transmission et la remontée d’informations. Ils permettent de transmettre immédiatement des consignes et de récolter des témoignages sur la situation, voire identifier des appels aux secours. En post-crise, les élus continueront d’échanger des informations et remercieront tous ceux qui ont alimenté ces réseaux.

La création de comptes et d’applications s’appuie sur une stratégie de communication adaptée et des moyens pour assurer la production d’informations et le suivi des échanges avec les utilisateurs. Cet investissement est nécessaire pour fédérer une communauté et maintenir la visibilité des comptes institutionnels par une utilisation régulière. La préparation à la crise est une occasion de s’implanter sur ces réseaux, d’en maîtriser les codes et d’y être visible. Il est déconseillé de créer un compte facebook, twitter, Instagram en temps de crise. Les autorités locales doivent les investir par temps calme pour permettre à la population de les identifier et de les suivre en amont d’événements graves.

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Utilisation des médias sociaux en gestion d’urgence pour améliorer la connaissance de la situation et l’aide à la décision, par VISOV, association francophone de Volontaires Internationaux en Soutien Opérationnel Virtuel

 

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L’exemple de l’application mobile « Risques Nice » : informations sur les risques, alerte et messages en situation d’urgence, échanges avec les utilisateurs locaux (favorisés aussi sur Twitter)

 

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Les Smartphones et les Réseaux Sociaux comme outils d’aide à l’alerte face aux inondations : enjeux et perspectives, par François Giannoccaro

 

 

 

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 3.    Positionnement et stratégie de communication de crise

 3.1  Se préparer pour être efficace

La crise questionne le fonctionnement de la collectivité, qui est marqué par le manque d’informations et l’inefficacité des procédures et de la communication habituelles. La communication de crise des élus locaux dépend de ce qui aura été réalisé et dit en amont, des liens qui auront été tissés, de l’utilisation et de la connaissance des vecteurs de communication. L’entraînement permettra d’anticiper et de gagner du temps en situation réelle, d’organiser le dispositif, de tester toutes les ressources, de s’exercer et de réaliser des bilans.

La formation à la communication de crise doit être synthétique, présenter des cas concrets et miser sur l’apprentissage par l’entraînement en plaçant les élus dans des situations réalistes. Les élus ne travaillant pas seuls, il est recommandé de former les agents responsables de la gestion des risques.

3.2  L’élu, un porte-parole incontournable

Fins connaisseurs de l’environnement local, en relation avec toutes les parties prenantes, les élus sont les principaux porte-parole lorsque des événements graves perturbent la vie des habitants. Ils sont en première ligne en cas de crise et de part leur proximité avec la population, apportent toute l’empathie nécessaire et attendue par les  sinistrés. Le maire est à la fois l’autorité recherchée pour assurer la sauvegarde de la population et le porte-parole de la commune.

3.3     Reconnaître la crise et se positionner rapidement

Les élus peuvent être amenés à s’exprimer en situation d’urgence, sans même connaitre toutes les circonstances de l’événement. C’est ce qui est communément appelé le temps zéro de la communication de crise. L’incertitude de la situation ne doit pas freiner la communication qui dans les premières heures devra être factuelle et transparente. Les élus doivent être capables de reconnaître rapidement une crise et sa nature au travers de signaux souvent faibles est impératif. Être réactif est crucial en tout début de crise c’est prendre conscience de la gravité de la situation et de ses enjeux. En matière de communication, cela se traduit par un choix de la vérité, une adaptation de la tonalité du discours et de sa posture. Dès les premiers signes d’événements inhabituels qui sont annonciateurs d’une crise les élus locaux doivent témoigner de leur présence et de leur altruisme.

3.4  Mettre en œuvre une stratégie cohérente

La communication de crise des élus doit rester en lien avec la réalité des faits, avec l’émotion produite par la crise et son impact affectif. C’est un point essentiel de sa réussite. Le choix d’une stratégie de communication de crise intègre notamment le seuil de passage en crise, la connaissance de l’événement et de son évolution, les responsabilités engagées, la stratégie des autres parties prenantes ainsi que les possibles effets  médiatiques de la situation. La stratégie de communication priorise les publics impactés et définit les messages clés adaptés aux différentes parties prenantes Elle maintient également la cohérence dans les arguments et dans les termes du discours.

Durant la crise, les messages doivent porter sur des faits avérés, il est important de ne pas transmettre des hypothèses sur l’évolution d’une situation qui pourrait être ensuite contredite par la réalité de celle-ci.

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Communication de crise, le poids des mots, IRMa, issu du Risques infos n° 15 de 2004

3.5  Les enjeux de la communication de crise

Le traitement médiatique de la crise et l’opinion publique construiront une image nouvelle du territoire. La communication des élus vise à informer, mais également à défendre l’image de la collectivité qu’ils représentent.

La communication de crise des élus permet aussi d’anticiper les critiques, parfois violentes, de l’opinion publique . La transparence face à la catastrophe, la cohérence par rapport aux actions conduites et l’écoute des habitants participent  à conserver la confiance de la population, essentielle aux élus.

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Sur l’influence de la communication et du positionnement des élus après une crise : La Faute-sur-Mer : la faute du Maire (Le Huffington Post, 2014) par François Pelletant

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Pour en savoir plus : 

COEUR-BIZOT Anne-Lise, le « temps zéro » en communication de crise : le temps de la synchronisation, Lettre d’information sur les risques et les crises (LIREC) n°61 janvier 2020.

CANCEL, Jean-François, LALOUX, Christophe, Communication de crise et collectivités territoriales. Anticiper, comprendre, gérer, Dossier d’experts, Voiron, Territorial éditions, 2013, 97p.

DUPLAN, Charly, La communication des maires sur les risques majeurs et en période de crise, Saisir des opportunités au-delà des contraintes, Mémoire de master d’information et de communication, sous la direction de K. Berthelot-Guiet et professionnelle de L. Vibert, Paris, Université Paris-Sorbonne, CELSA, 2015, 78p.

LIBAERT, Thierry (dir.), Communication de crise, Montreuil, Pearson, 2018.

Heiderich Didier, Delouvrier Myriam, Communication de crise : de la relation à la légitimité, Magazine de la communication de crise et sensible, mars 2016.

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DUPLAN Charly, Communication de crise – les maires ont-ils leur mot à dire_, Lettre d’information sur les Risques et les Crises (LIREC) n°50 de mars 2016.