R11 – Les réquisitions

réquisitions

Mise à jour : juillet 2022

Me CORNELOUP, avocat du réseau SMACL Assurances

Sommaire :

 

La réquisition se définit comme l’acte d’autorité par lequel l’Administration impose certaines prestations de services ou une activité déterminée à une ou plusieurs personnes. Il existe différents types de réquisitions permettant à la puissance publique de disposer de la réquisition adéquate pour atteindre l’objectif recherché.

Le pouvoir de réquisition est un corollaire du pouvoir de police administrative générale.

1 – Pouvoir de réquisition du Maire

D’une manière générale, le pouvoir de police a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique (article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales –CGCT)

En vertu des dispositions de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, les actions du maire doivent « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure ; »

En vertu de son pouvoir de police administrative générale, le maire dispose d’un pouvoir de réquisition sur le territoire de sa commune.

Pris sur le fondement de l’article L. 2212-2 du CGCT, le pouvoir de réquisition du maire est encadré par le juge administratif.

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Modèle d’arrêté de réquisition : téléchargeable ici en PDF.

 

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2 – Pouvoir de réquisition du Préfet

La loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a complété l’article L. 2215-1 du CGCT par un 4° afin de renforcer le cadre juridique du pouvoir de réquisition, résultant du pouvoir de police du préfet lorsque l’urgence le justifie :

« 4° En cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. ».

Il s’agit désormais d’un pouvoir propre et non plus seulement d’un pouvoir de substitution au maire après échec de la mise en demeure de ce dernier.

Ainsi, le préfet peut, par arrêté motivé, exercer son pouvoir de réquisition sur le territoire de toutes les communes du département une ou plusieurs selon le cas.

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3 – Pouvoir de réquisition du préfet de zone et de sécurité

Le préfet de zone prend les mesures de coordination nécessaires lorsque intervient une situation de crise ou que se développent des événements d’une particulière gravité, quelle qu’en soit l’origine, de nature à menacer des vies humaines, à compromettre la sécurité ou la libre circulation des personnes et des biens ou à porter atteinte à l’environnement, et que cette situation ou ces événements peuvent avoir des effets dépassant ou susceptibles de dépasser le cadre d’un département. Il prend les mesures de police administrative nécessaires à l’exercice de ce pouvoir :

  • Il fait appel aux moyens publics ou privés à l’échelon de la zone et les réquisitionne en tant que de besoin.
  • Il peut mettre à disposition d’un ou de plusieurs préfets de département de la zone de défense et de sécurité les moyens de l’Etat existant dans la zone ;
  • Il assure la répartition des moyens extérieurs à la zone de défense et de sécurité qui lui ont été alloués par le ministre de l’Intérieur ;
  • Il met en œuvre les mesures opérationnelles décidées par le ministre de l’Intérieur pour les moyens de sécurité civile extérieurs à sa zone de compétence ;
  • Il détermine et arrête les priorités dans le rétablissement des liaisons gouvernementales sur l’ensemble de la zone de défense et de sécurité ;
  • Il est chargé de coordonner la communication de l’Etat pour les crises dont l’ampleur dépasse le cadre du département.

Lorsque des opérations terrestres liées à une pollution maritime sont engagées, le préfet de zone de défense et de sécurité, dans le respect des compétences des préfets de département, établit la synthèse des informations, coordonne l’action à terre et s’assure de la cohérence des actions terrestres et des actions maritimes. Il dispose des moyens spécialisés du plan POLMAR-Terre.

Par ailleurs, les dispositions du Code de la sécurité intérieure prévoient que lorsque la situation ou les évènements susmentionnés affectent plusieurs zones de défense et de sécurité et entraînent des atteintes ou des menaces graves à l’ordre public, le ministre de l’Intérieur peut désigner l’un des préfets de zone de défense et de sécurité afin de prendre les mesures de coordination prévues au même article.

Décret n°2013-1112 du 4 décembre 2013 – article R. 122-8 et R. 122-9 du Code de la sécurité intérieure

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4 – L’exercice du pouvoir de réquisition

4.1  Conditions circonstancielles de la réquisition

Trois conditions cumulatives doivent impérativement être réunies pour que la réquisition soit légale :

  • urgence avérée de la situation au moment où la décision de réquisition est prise ;
  • atteinte constatée ou risque sérieux d’atteinte à l’ordre public, pris dans toute son acception, c’est-à-dire l’ordre, la salubrité, la tranquillité et la sécurité publics ;
  • échec de la mesure de police traditionnelle et des moyens conventionnels : lorsque « les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police ». Le caractère subsidiaire de la réquisition oblige, dès lors, l’autorité compétente à motiver sa décision par l’absence ou l’échec de toute mesure alternative.

Par ailleurs, comme toute mesure de police administrative, les mesures de réquisition doivent être proportionnées aux troubles à prévenir ou à résoudre (V. par exemple TA Nîmes, 5 avril 2012, n°1002905, TA Clermont-Ferrand, 29 décembre 2015, n°1401111).

Application jurisprudentielle :

S’agissant de l’urgence à agir, le Conseil d’Etat considère que la condition d’urgence est « remplie lorsque la décision administrative litigieuse préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ». (CE, 19 janvier 2001, n°228815).

La décision du Conseil Constitutionnel du 13 mars 2003 énonce bien que le pouvoir de réquisition du préfet ne puisse être mis en œuvre qu’« en cas d’urgence, lorsque le rétablissement de l’ordre public exige des mesures de réquisition » (CC, 13 mars 2003, n°2003-467 DC). En outre, il est subordonné à l’absence de toute autre moyen adapté pour aboutir au rétablissement de l’ordre public (CE, 9 décembre 2003, n°262186).

Par exemple, s’agissant de l’arrêt de la production d’une raffinerie, le juge administratif considère qu’il n’emporte pas de conséquences sur l’ordre public justifiant l’urgence d’une réquisition ordonnée par le préfet (CE, 28 décembre 2016, n°397422).

Si la réquisition porte sur un logement, le pouvoir de réquisition du maire ne doit s’exercer qu’exceptionnellement et en cas d’urgence si l’absence de logement est susceptible d’apporter un trouble grave à l’ordre public. Le Conseil d’Etat a par exemple annulé la réquisition d’un logement prise car le maire n’avait pas « fait la moindre tentative pour rechercher par voie amiable si cette famille pouvait être relogée, notamment par les soins de l’office public communal d’habitation à loyer modéré » (CE, 11 décembre 1991, n°192673).

De manière générale, la jurisprudence administrative considère que le droit de grève est un droit fondamental auquel le pouvoir règlementaire et les autorités administratives peuvent apporter les limitations strictement nécessaires à la préservation de l’ordre public.

Le Conseil d’Etat a ainsi annulé une mesure de réquisition portant une atteinte grave au droit de grève. En l’espèce, le préfet avait pris une mesure générale de réquisition en vue de permettre la poursuite d’une activité complète du service, sans envisager le redéploiement d’activités vers d’autres établissements de santé ou le fonctionnement réduit du service et sans rechercher si les besoins essentiels de la population ne pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du département. (CE, 9 décembre 2003, n°262186) Au contraire, le juge administratif considère que les mesures de réquisition de salariés d’EDF travaillant dans des centrales nucléaires sont justifiées au vu de la situation et proportionnées au but poursuivi. (CE, 12 avril 2013, n°329570).

La jurisprudence administrative considère que le préfet peut dans le cadre des pouvoirs du 4° de l’article L. 2215-1 du CGCT, requérir les agents en grève d’un établissement de santé, même privé. L’objectif de la réquisition doit être d’assurer le maintien d’un effectif suffisant afin d’en assurer le fonctionnement. Toutefois, la jurisprudence précise qu’il ne peut prendre que les mesures imposées par l’urgence et que ces dernières doivent être proportionnées aux nécessités du maintien de l’ordre public. (CAA de Lyon, 11 décembre 2018, n°17LY00847)

Plus récemment, le juge administratif a jugé que le préfet pouvait dans le cadre de ses pouvoirs de réquisitions, requérir les salariés en grève d’une entreprise privée dont l’activité présente une importance particulière pour le maintien de l’activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l’ordre public. Les mesures doivent toutefois être imposées par l’urgence ; proportionnées aux nécessités de l’ordre public et prises après avoir recherché si les besoins essentiels de la population pouvaient être autrement satisfaits. (CAA de Nantes, 7 janvier 2022, n°21NT00609).

 

4.2  Objet de la réquisition

Lorsque ces trois conditions  sont réunies, l’autorité compétente peut, par arrêté motivé, prendre les mesures suivantes :

  • réquisitionner tout bien et service ;
  • requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien ;
  • prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public prenne fin ou que les conditions de son maintien soient assurées.

 

4.3  Formalisation de la réquisition

L’arrêté doit, sous peine de nullité :

  • Être motivé, c’est-à-dire rendre compte de la réunion concrète des trois conditions précitées ;
  • Préciser la durée de la mesure de réquisition qui doit être limitée dans le temps (en jours) et dans le nombre de personnes ou de biens réquisitionnés ainsi que les modalités de son application.
  • Viser expressément l’article L2212-2 (maire) ou L2215-1-4° (préfet) du CGCT ;
  • Fixer la nature des prestations requises ;

L’ordre de réquisition est notifié aux intéressés. Lorsque l’urgence des mesures le justifie, la réquisition peut être verbale mais elle doit faire l’objet, dans les meilleurs délais, d’une régularisation écrite de la part de l’autorité requérante.

 

4.4  Sanction du refus d’exécution

Le refus volontaire d’exécuter l’ordre de réquisition peut faire l’objet à la fois de sanctions administratives et de sanctions pénales (ces sanctions s’appliquent aussi bien, pour une réquisition par une mairie).

En cas d’inexécution volontaire par la personne requise des obligations qui lui incombent en application de l’arrêté édicté par le préfet, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue peut, sur demande de l’autorité requérante, prononcer une astreinte dans les conditions prévues aux articles L. 911-6 à L. 911-8 du code de justice administrative.

Le refus d’exécuter les mesures prescrites par l’autorité requérante constitue un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende.

En outre, le maire ou le préfet a la possibilité de faire exécuter d’office les mesures prescrites par l’arrêté qu’il a édicté.

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5 – Financement des mesures de réquisition

La prise en charge des frais de réquisition est définie à l’article L. 2215-1 4° du CGCT.

C’est la collectivité publique pour le compte de laquelle l’ordre de réquisition a été pris qui paie (rétribution et réparation des éventuels dommages).

Une rétribution unique est prévue: « la rétribution par l’Etat ne peut se cumuler avec une rétribution par une autre personne physique ou morale ».

Elle doit uniquement compenser les frais réellement engagés : les frais matériels directs et certains résultant de l’arrêté de réquisition.

Dans le cadre d’une réquisition d’entreprise, la rétribution est calculée d’après le prix commercial normal appliqué aux clients diminué du profit escompté. Ainsi, la privation de marge bénéficiaire ne sera pas indemnisée.

Le juge administratif considère que « lorsqu’une réquisition consiste en une obligation faite à une entreprise d’acheter un bien, le montant de la rétribution à laquelle a droit l’entreprise requise est égal à la différence entre les coûts effectivement supportés par elle dans le cadre de la réquisition et les coûts qu’elle aurait supportés si elle avait été libre de ses achats, calculés d’après le prix commercial normal et licite de l’achat du bien ». (CE, 18 juin 2014, n°372803)

Dans les conditions prévues par le Code de justice administrative, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue peut, dans les quarante-huit heures de la publication ou de la notification de l’arrêté, à la demande de la personne requise, accorder une provision représentant tout ou partie de l’indemnité précitée, lorsque l’existence et la réalité de cette indemnité ne sont pas sérieusement contestables.

La rétribution des grévistes incombe à leurs employeurs puisqu’ils sont considérés en service.

Enfin, dans le cadre de l’exercice du pouvoir de réquisition du maire, les frais de réquisition sont à la charge de la commune sauf convention contraire.

Les frais inhérents aux réquisitions sont supportés conformément aux  dispositions de l’article 27 de la loi de modernisation de la sécurité civile

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Fiche DGp3 : Prise en charge des dépenses de secours

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