FICHE C DIAGNOSTIQUER LE RISQUE SUR LE TERRITOIRE POUR UNE APPROCHE DE GESTION DE CRISE

De nombreuses informations existent sur les crues et les inondations. Elles sont produites par de multiples acteurs en fonction de leurs besoins mais rarement pour la gestion de crise. Dans le cadre de la démarche PCS, il s’agit en premier lieu d’identifier les données disponibles puis de les exploiter pour les rendre utilisables en gestion de crise. Dans un second temps, si nécessaire, la production de données supplémentaires manquantes peut être envisagée.

fiche B

 

Les sources d’information sont multiples, internes à la commune (riverains, services techniques, observateurs particuliers...) mais aussi externes : services de l’État (DDT(M), SPC...), Météo-France, syndicat de rivière, établissements publics territoriaux de bassin, archives départementales, universités... La connaissance préalable du risque inondation peut se présenter sous des formes très variées :

 

C.1. IDENTIFIER LES PHÉNOMÈNES SUR LES TERRITOIRES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES

L’identification et la caractérisation de tous les phénomènes pouvant générer des inondations sur le territoire communal sont le point de départ de la démarche de préparation. Il s’agit de prendre en compte tout le réseau hydrographique du territoire, c’est-à-dire l’ensemble des éléments naturels (rivières, torrents, ruisseaux, nappe, mer, océan) ou artificiels (réseaux, canaux), drainant l’eau, de manière permanente ou temporaire.

Dans le cas de la submersion marine ou de la rupture d’ouvrages hydrauliques (digues ou barrages), il faut bien penser que l’eau peut se propager loin à l’intérieur des terres. Des zones basses éloignées peuvent ainsi être inondées.

Le travail est d’abord à mener sur les phénomènes « simples » d’inondation, c’est-à-dire ceux où un seul évènement est à l’origine de l’inondation sur le territoire :

Une fois l’identification faite des phénomènes « simples » menaçant la commune, le résultat attendu est d’aboutir pour chacun d’eux à établir un scénario progressif d’évolution du phénomène en fonction de son intensité, c’est-à-dire allant des premiers débordements aux cas les plus extrêmes. Il s’agit de définir les emprises territoriales concernées en fonction des intensités.

Cette approche de gestion de crise est à bien distinguer de celle de gestion de l’aménagement du territoire qui s’appuie sur les Plans de Prévention des Risques (d’inondations ou littoraux). Le niveau d’aléa utilisé pour établir le PPRI (ou PPRL) n’est qu’un des niveaux d’intensité à retenir pour le PCS.

ILLUSTRATION

repère crue

Repère de crue sur la Garonne – crue de mars 1930

Le choix de niveaux à étudier doit être fait avec discernement. L’objectif important pour la gestion de crise est d’arriver à établir un lien entre chacun des niveaux d’intensité retenus et des repères exploitables par la commune quant à l’emprise du territoire impacté (hauteur d’eau à une échelle limnimétrique locale ou amont ou autre point de repère local, débits prévus, intensité de pluie, niveau de protection d’une digue, repères de crues ...). Ce lien peut être établi à partir :

Le résultat recherché pour cette étape est d’arriver, pour chacun des phénomènes identifiés, à recueillir les informations disponibles permettant de les caractériser par rapport au territoire, et tout particulièrement celles sur :

Le travail de préparation consiste d’abord à faire le point sur les données existantes (cf. tableau page suivante) puis à les exploiter pour aboutir à une représentation de plusieurs niveaux d’intensité de chacun des phénomènes.

important IMPORTANT

Malgré le travail de planification, la multiplicité des facteurs conduisant à une inondation fait que l'on ne peut jamais prévoir son déroulement exact.

Il faut bien avoir conscience que ce travail sur les scénarios et les niveaux d’intensité a pour finalité de donner des repères et d’aider à anticiper la prise de décisions. Il n’a donc aucune portée réglementaire notamment en termes d’aménagement. Il s’agit d’estimer au mieux l’aléa, c’est-à-dire de manière la plus réaliste possible. Le principe est d’arriver à définir, si possible rapidement et simplement, des ordres de grandeur, des intervalles et des cartes utilisables. Il ne faut pas perdre du temps et des moyens pour tenter d’avoir des résultats extrêmement précis.

 

savoir-plus POUR EN SAVOIR PLUS

 

Quatre types de méthodes permettent de produire des données géographiques sur l’aléa inondation :

Peu importe la méthode utilisée, les enveloppes de zones inondables (ou inondées) qui en résultent peuvent être utiles. Il faut seulement connaitre les hypothèses prises en compte et les limites d’utilisation des méthodes.

 

PRINCIPALES CARTOGRAPHIES DES ZONES INONDABLES PRODUITES PAR LES SERVICES DE L’ÉTAT
Nom et destination originelle Description,
commentaires
Producteur Limites d'utilisation Couverture Utilisation
Atlas des Zones Inondables (AZI) Information préventive Connaissance des phénomènes d’inondation par débordement des cours d’eau. En fonction des cours d’eau/ littoral, utilisation de différentes méthodes (historique, hydrogéomorphologique (HGM) ou modélisation hydraulique). Enveloppe plutôt maximaliste des inondations par débordement de cours d’eau ou par submersions marines. Si méthode HGM : première idée de la progressivité des inondations sur le cours d’eau (lit mineur/moyen/majeur) ou sur le littoral, même s’il n’est pas possible d’y associer directement une mesure (débit ou hauteur) et une période de retour. DREAL. Échelle : 1/25000.
AZI HGM : pas de référence à un débit ou à une mesure de hauteur d’eau.
Sur la grande majorité des cours d’eau principaux. Améliorée au fur et à mesure. Tous types : Localiser le phénomène d’inondation (à première vue). Pour les AZI HGM : avoir une idée de la progres-sivité des inondations.
Enveloppe Approchée des Inondations Potentielles (EAIP) Information préventive Enveloppe utilisée pour la réalisation de l’Évaluation Préliminaire des Risques d'Inondation (EPRI). Agglomération de différents types de zones potentiellement inondables, parmi lesquelles :
  • les Atlas des Zones Inondables (AZI) ;
  • les zonages des Plans de Prévention des Risques d’Inondation, ou de submersion ;
  • les zones inondées constatées (Plus Hautes Eaux Connues après crues, laisses de crue/de mer...) ;
  • les zones de formations d'alluvions récentes le long des cours d’eau, issues des cartes géologiques du BRGM ;
  • l’enveloppe issue du modèle EXZECO (25m) présenté ci-après.
DREAL. Rassemblées par le Cerema pour la DGPR. Échelle : 1/100000. Pas de caractérisation de l’aléa en hauteur d’eau ou en débit. France entière. 2011. Identifier les zones non inondables. Localiser le phénomène d’inondation (à première vue), en particulier en tête de bassin versant.
EXZECO Méthode simple développée par le Cerema, qui permet, à partir de la topographie, d’obtenir des emprises potentiellement inondables sur de petits bassins versants, tout en couvrant des zones potentiellement étendues. Utilisée initialement pour la directive inondation avec des modèles numériques de terrain au pas de 25 mètres, la méthode est aujourd’hui utilisée avec des MNT au pas de 5 mètres. Cerema Échelle : 1/10 000 (indicatif) voire plus pour Exzeco 5 m.
Pas de caractérisation de l’aléa en hauteur d’eau ou en débit.
MNT 25 m : France entière. MNT 5 m : secteurs de l’arc méditerranéen. Déterminer en première approche des zones potentiellement inondables sur les parties amont des bassins versants.
Plan de Prévention du Risque d’Inondation(PPRI) et de submersion (PPRL) Réglementation Outil de planification urbaine permettant aux services de l'État de réglementer la construction en zone inondable (interdiction de construction, prescriptions). Caractérisation des zones aléas (fort/moyen/faible) pour l’évènement centennal ou plus fort évènement connu s’il est supérieur. Caractérisation de l’aléa submersion marine en tenant compte du changement climatique. Croisement avec les enjeux afin de définir un zonage réglementaire. Ce sont les données d’aléa qui intéressent la commune, ou au minimum l’enveloppe du zonage réglementaire (enveloppe de l’évènement dit de référence). DDT(M) Échelle fonction du secteur d’étude. Seul un scénario est représenté, appelé crue de référence, en général sur le ou les cours d’eau principaux de la commune. Si le zonage réglementaire des PPRI est toujours disponible, les zonages d’aléas des PPRI les plus anciens ne le sont pas toujours. Communes concernées par un arrêté de prescription de PPRI Localiser le phénomène d’inondation selon le niveau d’intensité de référence (centennal).
Cartographie des surfaces inondables dans les TRI Information préventive Dans tous les Territoires à Risques Importants d’Inondations (TRI), une cartographie des surfaces inondables couvre les zones géographiques susceptibles d’être inondées selon trois niveaux d’intensité :
aléa fréquent, de forte probabilité, pour une période de retour de 10 à 30 ans ;
aléa moyen, probabilité moyenne, pour une période de retour probable supérieure ou égale à 100 ans ;
aléa extrême, faible probabilité, soit une période de retour d’environ 1000 ans.
Pour chaque niveau, les éléments suivants apparaissent : l’étendue de la zone inondable, les hauteurs d’eau ou les cotes exprimées dans le système de nivellement général de la France, selon le cas et le cas échéant, la vitesse du courant ou le débit de crue correspondant.
DREAL de bassin Échelle : 1/25000. Se référer au rapport de présentation de la cartographie de chaque TRI Dans tous les TRI. Avoir une idée de la progressivité des inondations selon trois niveaux d’intensité.
Zones inondées potentielles (ZIP) Pour la gestion de crise d’inondation Sur les cours d’eau du dispositif Vigicrues, alimentée par les services de prévision des crues, cette base de données est constituée pour les besoins de la gestion de crise. Elle recense :
  • systématiquement, l’enveloppe de la zone inondée ;
  • en complément, un découpage de cette enveloppe par classes de hauteur d’eau (iso-classes de hauteur d’eau) ;
  • plus rarement, les lignes de cote (isocotes) de la zone inondée exprimées dans le système de nivellement général de la France.

Toutes sont associées à une hauteur d’eau mesurée au niveau d’une (ou plusieurs) station(s) hydrométrique(s)

SPC. À deman-der au DDT (M). Échelle : 1/25000, voire plus précise. Se référer à la fiche descriptive de chaque « ZIP ». En cours de déploiement : demander aux DDT(M). Avoir une idée de la progressivité des inondations selon plusieurs niveaux d’intensité.

 

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Les Zones Inondées Potentielles (ZIP)

Pour certains secteurs des cours d’eau surveillés présentant des enjeux importants, le réseau VIGICRUES s’est donné l’objectif de compléter la prévision des crues par une prévision des zones susceptibles d’être inondées, appelées ZIP. Pour un linéaire de cours d’eau défini et une station de référence donnée, différents scénarios d’inondation sont étudiés, allant des premiers débordements à la crue de référence. Les résultats de ces scénarios sont présentés sous forme de couches géomatiques définissant l’aléa, qui peuvent être superposées à d’autres informations géographiques telles que des fonds de plan ou des données portant sur des enjeux particuliers. De fait, elles sont destinées avant tout aux services de l’État et aux différents acteurs de la gestion de crise, notamment aux collectivités, pour les aider à la réalisation ou l’amélioration de leurs documents de planification (PCS, stratégie locale de gestion des risques d’inondation...) et mener à bien leurs missions opérationnelles. Ces ZIP peuvent également contribuer plus largement à améliorer les dispositifs locaux de prévention sur le risque inondation. Ces cartes font l'objet d'une politique de diffusion du ministère de la Transition écologique et solidaire vers les collectivités territoriales. Des syndicats de rivières ou EPTB produisent des données qui sont l’équivalent des ZIP, y compris hors secteurs couverts par Vigicrues.

 

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EXZECO (EXtraction des Zones d’ÉCOulement)

Le Cerema a développé une méthode qui permet, grâce à des modèles numériques de terrain qui représentent la topographie, de mettre en évidence les fonds de vallée susceptibles d’être inondés, notamment sur les petits bassins versants. Ainsi, il est possible de disposer de différentes surfaces, représentant les points susceptibles de drainer des superficies choisies. Les cuvettes présentes sont également fournies. Il convient d’être prudent avec les résultats, car des inondations peuvent survenir sur des zones non couvertes par les couches Exzeco et une expertise et/ou des contrôles de terrain sont souhaitables. L’application d’Exzeco au territoire de l’arc méditerranéen a été réalisée dans le cadre d‘une étude interrégionale relative à la gestion des risques de ruissellement. Pour plus d’informations, une fiche explicative est disponible sur le site de la DREAL PACA actuellement http://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/ruissellement-sur-l-arc-mediterraneen-application-a11973.html). Les données sont mises en accès libre sur cdata, l’open data du Cerema.

 

C.2. IDENTIFIER LES CONSÉQUENCES ENVISAGEABLES POUR CHACUN DES PHÉNOMÈNES

L’étape suivante consiste à étudier pour chaque scénario retenu les conséquences, directes ou indirectes, sur le territoire en fonction des zones inondées selon les niveaux d’intensité. On passe ainsi pour chaque phénomène d’un scénario d’aléa inondation à un scénario de conséquences des inondations.

L’étude des conséquences doit porter sur les enjeux suivants (non exhaustif) :

Pour certaines communes, notamment celles touristiques, il peut être intéressant dans certains cas d’établir plusieurs hypothèses de personnes concernées en fonction de la période :

 

IMPORTANT

Au niveau des conséquences, il ne faut pas oublier de prendre en compte les impacts indirects en dehors des zones inondables, car ils sont un des facteurs importants pour bâtir la réponse opérationnelle.

ILLUSTRATION

- Un gymnase, lieu possible d’hébergement provisoire identifié dans les ressources générales du PCS, peut ne pas être inondé mais privé d’électricité ou inaccessible et donc non utilisable en cas d’inondation.
- Un autocommutateur téléphonique peut être inondé, l’alerte ou la transmission d’informations par téléphone fixe ne pourront pas être assurées dans sa zone de couverture.
- L’inondation d’un transformateur électrique peut priver d’électricité des zones hors d'eau.

 

Pont de Villegailhenc détruit par la crue d'octobre 2018 © IRMa, Sébastien GOMINET, 2018

 

 

C.3. DÉFINIR LES SEUILS DE GRAVITÉ EN FONCTION DES CONSÉQUENCES

Pour finaliser ce travail, il convient de fixer les seuils de gravité pour chacun des scénarios de conséquences. Deux cas sont possibles :

Les résultats peuvent être représentés sous diverses formes : tableaux, carte, échelle de gravité.

important IMPORTANT

Il existe d’autres outils que le site Vigicrues pour définir ces seuils de gravité (échelle limnimétrique, pluviomètres, stations hydrométriques, hauteur d’eau à une échelle ou à un repère donné...). Ces dispositifs non institutionnels apportent des informations supplémentaires ou complémentaires à celles de Vigicrues.

C’est sur la base de ces scénarios de gravité que la stratégie de réponse opérationnelle (cf. fiche E) va être construite en prenant en compte les paramètres suivants :

 

 

C.4. ÉTUDIER LES PHÉNOMÈNES COMBINÉS D’INONDATION

Une fois la réflexion menée sur les phénomènes « simples », il convient de s’interroger sur la possibilité d’être confronté à des phénomènes « combinés » d’inondation, c’est-à-dire à plusieurs aléas en même temps sur le territoire. Pour les phénomènes complexes retenus, il convient alors d’appliquer la même méthode de définition des seuils de gravité.
ILLUSTRATION

- Crue du cours d’eau principal et réaction locale des affluents ou du réseau pluvial, liée aux fortes précipitations (cas de Draguignan en juin 2010) ;
- Arrivée concomitante des crues de deux cours d’eau importants ;
- Crue du cours d’eau principal et des conditions maritimes défavorables (marée très importante, tempête) ou submersion marine ;
- Crue du cours d’eau principal et remontées de nappes (crues de Loire,...) ;
- ...

 

C.5. ÉTUDIER LES DÉFAILLANCES POSSIBLES DES OUVRAGES HYDRAULIQUES

L’étude des défaillances possibles des ouvrages hydrauliques est un sujet très technique qui fait l’objet actuellement de nombreuses évolutions. Ce chapitre présente simplement les éléments principaux sur les changements en cours de la gestion des ouvrages hydrauliques de protection contre les inondations.

La loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MAPTAM) a instauré la mise en place de la compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI). Elle est confiée exclusivement à la commune, avec transfert à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) depuis le 1er janvier 2018. Les modalités pratiques d’exercice de la compétence GEMAPI sont potentiellement assez diverses, nous appellerons « gestionnaire du système d’endiguement », l’autorité compétente pour la prévention des inondations, qui assure la gestion d’un système d’endiguement dans le cadre de l’exercice de sa compétence GEMAPI.

La réglementation confie au gestionnaire du système d’endiguement la responsabilité de la réalisation d‘une étude de dangers (EDD). Cette EDD doit apporter notamment des éléments d’information sur les performances du système d’endiguement et ses limites utiles pour la gestion de crise :

 

savoir-plus POUR EN SAVOIR PLUS

Consulter Le guide « Étude de dangers de systèmes d’endiguement Concepts et principes de réalisation des études » de juin 2018 Collection référence du Cerema : https://www.cerema.fr/fr/activites/prevention-risques/risques-naturels/inondations-submersion

important IMPORTANT

Au titre de l’accompagnement des communes concernées, le gestionnaire du système d’endiguement doit informer les communes intéressées par le périmètre et les conclusions de l’étude de dangers. Le résumé non technique, accompagné de la cartographie appropriée, est un support utile pour la réalisation ou la mise à jour du volet inondation du PCS.

 

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